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la curée des places et l’épuration de toutes les administrations. Les vacances ne se produisant pas assez vite au gré des appétits surexcités, on foula aux pieds toutes les prescriptions de la loi de 1853 ; on imagina les retraites proportionnelles dont l’illégalité n’a pas besoin d’être démontrée : enfin on abaissa la limite d’âge par de simples arrêtés ministériels. Comme les mauvais exemples sont contagieux, l’amiral Aube, ministre de la marine, avait cru pouvoir, comme les ministres civils, modifier la législation : il avait abaissé, en moyenne, de trois années la limite d’âge pour le personnel non combattant de la marine, et avait mis immédiatement à la retraite un assez grand noud)re de fonctionnaires. Il en résulta, pour l’exercice 1887, un dépassement de crédit de 1 million et une augmentation de crédit correspondante, dans le budget de 1888. Des observations sévères de la commission du budget, sanctionnées par un vote de la chambre, ont ramené le département de la marine à l’observation des anciens règlemens. Il serait à souhaiter qu’une démonstration non moins énergique du parlement rappelât aux ministres civils que les admissions à la retraite ne doivent être accordées qu’en proportion des vacances, car cette règle tutélaire n’est pas moins ouvertement violée que les prescriptions relatives à l’âge et aux années de services.

Dans la discussion du budget de 1888, M. Ribot et quelques autres députés avaient proposé et fait voter un article aux termes duquel le fonctionnaire mis à la retraite continuerait son service et toucherait son traitement jusqu’à la liquidation de sa pension de retraite. C’était un acte d’humanité, car, les appointemens cessant d’être payés du jour de la mise à la retraite et la pension n’étant réglée en moyenne qu’au bout de dix à onze mois, il en résulte pour les fonctionnaires peu aisés ou pères de famille une période de gène pénible. Nous en pourrions citer des exemples navrans. L’administration ne le méconnaît pas, puisque par un procède d’une régularité douteuse, au point de vue de la comptabilité publique, elle accorde maintenant des avances, remboursables quand le retraité touchera sa pension.

Cet amendement était en même temps un frein pour les administrations, puisqu’elles ne pouvaient disposer immédiatement des appointemens des fonctionnaires mis à la retraite. Jusqu’en 1888, on inscrivait au budget un crédit de 6 millions, destiné à servir les pensions à accorder dans le cours de l’exercice, et ce crédit se répartissait entre les divers ministères ; mais dans leur impatience à satisfaire leurs critiques, les ministres épuisaient dès le mois de janvier leur quote-part dans le crédit commun, et les malheureux fonctionnaires qui venaient à être mis à la retraite après la première fournée devaient attendre jusqu’à l’année suivante avant de toucher