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et des familles, ont abouti à une législation que nous craindrions d’apprécier trop sévèrement. Voici comment une commission, exclusivement composée de sénateurs républicains, la juge aujourd’hui, par l’organe de son rapporteur : « l’incohérence actuelle de la législation de l’enseignement primaire, les vices de son administration, le désordre de sa comptabilité, l’insoluble conflit de droits et d’intérêts entre l’État, le département et les communes, en raison de lois superposées, les combinaisons financières actuelles offrent un agencement et une complexité voisine de la confusion… manque absolu de principes, travail dénué de règles, véritable chaos administratif, telle est la situation lamentable que votre commission a cru de son devoir de vous dénoncer. » La complexité, les incohérences, les combinaisons financières que la commission sénatoriale condamne, ont-elles eu, du moins, pour compensation une amélioration dans la position des instituteurs ? Non, la première œuvre législative de nos gouvernans, la loi de 1881, a eu pour résultat d’enlever aux instituteurs les avantages que leur avait assurés la loi de 1875. Ici encore, laissons parler la commission : « Cette situation, relativement satisfaisante, a subi une atteinte grave en 1881. La loi du 16 juin 1881 laisse l’instituteur se débattre sans espoir contre l’inexorable fatalité des minima. Il n’est que temps pour le législateur de réparer les torts involontaires dont il a la responsabilité, et de rendre l’espérance et le bien-être aux innocentes victimes de la loi de 1881. » Nous ne voulons nous occuper ici que du côté financier de ces questions. Les lois si sévèrement critiquées ont eu jusqu’ici pour conséquence d’élever à 83,581 maîtres et maîtresses le personnel enseignant de l’instruction primaire et de porter à 103 millions les crédits affectés à ce service. Ces crédits devront être graduellement accrus de 71 millions par suite de l’application de ces lois : la laïcisation des écoles de filles, d’après l’échelle actuelle des traitemens, exigera encore 4,500,000 francs : la substitution définitive des instituteurs laïques aux instituteurs congréganistes encore en fonction entraînera une dépense encore plus forte. C’est dans cette situation qu’intervient la loi déjà votée par la chambre pour relever les traitemens des instituteurs des deux sexes : cette loi prévoit une dépense nouvelle de 19,525,000 francs. De plus, elle relire aux départemens et aux communes pour l’attribuer à l’État le produit des 8 centimes spéciaux affectés au service de l’instruction primaire, et elle met à leur compte les indemnités de résidence et de logement dues à une partie du personnel : ce qui se traduira par une aggravation de charges pour les contribuables. En dernière analyse, si cette loi, en ce moment soumise au sénat, est votée sans changement,