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réuni à Berlin. il importait de la promulguer et de l’appliquer pour justifier de solennelles déclarations. M. de Schleinitz reconnaissait qu’on était lancé dans une voie qui ne permettait plus à la Prusse de revenir sur ses pas sans y laisser son renom. Mais il ne se dissimulait pas les périls d’une politique à outrance. Le caractère aventureux du prince de Schwarzenberg lui donnait à réfléchir. « L’Autriche, disait-il, se débat dans une crise financière inextricable, sa situation intérieure est voisine de la décomposition ; elle a besoin de son armée pour contenir ses provinces, elle a tout à craindre d’une guerre en Allemagne, qui pourrait provoquer une intervention de la France en Italie, et cependant avec un homme d’état aussi audacieux, toutes les folies sont à redouter! »

Les événemens, que je vais esquisser en traits rapides pour compléter cette étude, ne devaient que trop vite, après le départ de M. de Persigny, justifier les appréhensions du ministre prussien. Il est dans l’histoire des épisodes d’un enseignement dramatique, saisissant; ils méritent d’être remis en pleine lumière, ne serait-ce que pour relever le patriotisme découragé, en montrant combien sont rapides les retours de fortune pour les peuples dont la foi sait résister aux plus humiliantes épreuves.


VII. — L’Allemagne DANS LES DERNIERS MOIS DE 1850.

L’Allemagne présentait en 1850 un étrange spectacle : l’Autriche en était exclue, le droit ancien avait disparu, les liens fédéraux étaient brisés et le particularisme s’affirmait de toutes parts. Les rêves unitaires de 1848 avaient abouti à une menaçante sécession. Deux camps se trouvaient en présence, d’un côté la Prusse avec les petits états du Nord, embrigadés à contre-cœur dans l’union restreinte sous la pression du parti libéral de Gotha, de l’autre, les quatre royaumes, le Wurtemberg, le Hanovre, la Saxe et la Bavière, coalisés entre eux et enrôlés avec la Hesse électorale, le grand-duché de Darmstadt, sous la bannière de l’Autriche.

La Prusse s’appuyait sur la constitution impériale votée in extremis par le parlement de Francfort pour réclamer, au nom de son avenir, l’hégémonie en Allemagne ; et l’Autriche, en souvenir de son passé, se refusait à abdiquer son influence traditionnelle et les droits qu’elle tenait du congrès de Vienne pour satisfaire l’ambition de sa rivale. Sa diplomatie, aussi persévérante que résolue, avait entrepris avec la diplomatie prussienne une lutte ardente qui, déjà au mois de mai 1849, avait forcé le cabinet de Berlin à se prêter à la réinstallation d’une commission fédérale au siège de l’ancien Bund. La Prusse avait reconnu implicitement, par cette concession, qu’elle ne représentait pas seule l’Allemagne et elle avait permis