Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 93.djvu/475

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Jules Ferry lui-même, loin de convenir qu’il a pu se tromper et de paraître disposé à profiter d’une cruelle expérience, ne cesse de tirer vanité de tout ce qu’il a fait. Au fond, il reste persuadé que le pays s’est laissé abuser, que les mécontentemens sont une illusion, que le vrai et unique mal est qu’il n’y a pas depuis longtemps de gouvernement, une main vigoureuse pour manier le pouvoir. Et quel est son secret pour relever ce gouvernement nécessaire ? M. Jules Ferry en est encore aujourd’hui comme hier à cette vieillerie usée et surannée de la « concentration républicaine. » Il fait des appels désespérés à tous les républicains, — sans excepter les radicaux qu’il croit convertir. En d’autres termes, pour remédier aux profonds malaises du pays, M. Ferry propose tout simplement de reprendre plus que jamais et de continuer la politique qui a créé ces malaises, — de jouer le même air en le jouant mieux ; pour refaire un gouvernement, il ne trouve rien de mieux que de s’acharner à des idées qui sont la ruine de tous les pouvoirs, sans se douter qu’on ne refait pas un gouvernement à volonté, avec des expédiens, pas même en introduisant la raison d’État dans la politique, ou, comme il le dit, en « mettant la main au collet » des gens. Cela ne suffit pas ! Le seul résultat auquel arrive M. Jules Ferry, c’est de se démener dans le vide, entre les radicaux qui se moquent de ses appels, et les conservateurs dont il justifie les méfiances.

Non, évidemment, ce n’est pas avec une politique d’expédiens et de subterfuges, qui nie le mal pour n’avoir pas à le réparer, ce n’est pas avec cette politique qu’on peut aller sérieusement aux élections prochaines. S’il est encore un moyen de ressaisir la confiance publique, de rallier l’opinion ou de la détourner des périlleuses aventures où sombreraient toutes les libertés, c’est d’aller droit aux faits, à la réalité du moment ; c’est d’offrir au pays qui n’aspire qu’à vivre en paix un programme précis, sensé, pratique, comme celui que la nouvelle « union libérale » propose à tous les esprits sincères, à qui il n’a manqué peut-être jusqu’ici que d’être soutenu avec plus de fermeté et de suite, avec une énergie de résolution dont les modérés se sont crus trop souvent dispensés. Ce programme, il n’a rien que de simple : il se dégage de la situation même et va au vif des choses ; il est surtout le seul avec lequel on puisse refaire un gouvernement et rassurer les instincts conservateurs.

Rendre l’autorité morale à l’administration en la dégageant des passions de combat, de la tyrannie des délations et des coteries locales ; mettre fin résolument aux guerres religieuses dans les écoles, dans les bureaux de bienfaisance comme dans les hôpitaux ; rompre avec une politique financière de gaspillage et d’expédiens qui, pratiquée par un simple particulier, le conduirait à la ruine ; déclarer nettement qu’on ne veut d’aucune des prétendues réformes radicales, ni de l’impôt sur le revenu, ni de la séparation de l’église et de l’état, ni