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de paix aura pour effet, d’après les statistiques fournies par le ministère de la justice, d’enlever aux tribunaux de première instance le tiers des affaires civiles dont ils sont actuellement saisis ; la justice sera ainsi plus décentralisée, plus à la portée du contribuable. Un procès de la valeur de 100 à 200 francs peut aujourd’hui être soumis successivement à deux degrés de juridiction, tandis que les procès d’une importance de 200 à 1,500 francs ne peuvent être portés que devant le tribunal de première instance en premier et dernier ressort. On élèverait sans aucun inconvénient au double, au quadruple même, les sommes auxquelles la loi de 1838 a borné la compétence des magistrats cantonaux pour les actions personnelles et mobilières, actions en paiement de loyers ou fermages, etc. M. Floquet, dans son rapport, proposait de leur confier les décisions jusqu’à 40 francs de revenu, en dernier ressort, et jusqu’à 100 francs de revenu à charge d’appel. Qu’on les laisse trancher seulement, sans appel, jusqu’à 400 francs de capital, et en premier ressort jusqu’à 1,500 francs, on réalisera déjà un progrès notable. La dépréciation seule du numéraire, depuis un demi-siècle, diminue sensiblement les attributions que le législateur a entendu confier aux juges de paix ; le taux de leur compétence est devenu dérisoire, et l’augmentation apparente de ce taux n’est, pour partie, que son rétablissement à un chiffre correspondant au chiffre primitif.

L’autorité pénale des « auditoires » ruraux devrait également grandir ; ce qui permettrait à l’état de réaliser quelque économie dans ses frais de justice criminelle, qui grossissent furieusement depuis une quinzaine d’années. Il est constant qu’un grand nombre d’infractions auxquelles on a donné la qualification de délits (police de la chasse, de la pêche, du roulage) et qui ressortissent aux tribunaux correctionnels présentent beaucoup plutôt le caractère de contraventions en ce qu’elles ne comportent pas l’examen des questions d’intention ou de moralité. Qu’on ne s’inquiète pas de surcharger de besogne ces « jugeries » du premier degré : l’esprit de chicane visiblement s’affaiblit en France depuis ce siècle. Doit-on s’en réjouir ? — un peuple plaideur n’est pas un peuple esclave — le fait est néanmoins patent. Vous n’avons pas là-dessus même ardeur que nos pères, cependant les procès coûtent proportionnellement moins cher qu’autrefois ; ce qui prouve que le haut prix auquel. la justice met ses arrêts n’est point pour arrêter ceux qui veulent se ruiner pour elle. Donc les travaux des juges de paix diminuent : les affaires portées à l’audience pour y recevoir jugement étaient annuellement de 1871 à 1875 au nombre de 392,000, de 1881 à 1885 elles ne sont plus que de 328,000. Celles réglées en