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relations les plus naturelles, la liberté extérieure de leur pays. Ils sont entraînés aujourd’hui, pressés par des engagemens dont ils subissent le poids sans en profiter, par des dépenses qu’ils ont multipliées pour des armemens ruineux et, inutiles, par des crises économiques ou sociales qu’ils ont suscitées ou aggravées. C’est la conséquence d’une situation faussée et violentée. Il en sera ainsi jusqu’au jour où l’Italie, se ressaisissant elle-même, redemandera à ceux qui la gouvernent une politique moins asservie aux vaines combinaisons, dégagée de toutes les solidarités périlleuses, uniquement occupée de sauvegarder son indépendance réelle et ses intérêts. Et bien des Italiens commencent à le sentir !

On peut se faire un moment illusion avec des fêtes, des réceptions royales et des complimens entre princes ou ministres. Malheureusement, les peuples ne vivent pas de fêtes, d’ovations savamment ménagées aux souverains en visite, et pour la puissante Allemagne comme pour l’Italie, il y a des réalités avec lesquelles il faut toujours compter. Il y a des intérêts, des souffrances, des aspirations populaires, des fermentations qu’on n’apaise pas avec des toasts à la force des armées. Berlin a pu être en fête l’autre jour pour la réception du roi Humbert j’mais en même temps, depuis quelques semaines, la Westphalie se trouvait envahie par des grèves redoutables de toute la population des mines. Le travail a été interrompu au point d’entraver l’activité de l’industrie. Le mouvement ne s’est pas d’ailleurs borné à la Westphalie ; il a éclaté on Silésie, il s’est même étendu jusque sur le territoire autrichien, en Bohême. Ces grèves ne se sont point passées partout sans violences ; elles ne laissent pas cependant d’être organisées savamment par des chefs habiles à diriger ces agitations, à soutenir les revendications ouvrières. Elles ont pris assez d’importance pour que l’empereur Guillaume ait cru devoir s’en mêler, parlant tour à tour aux délégués des ouvriers et aux patrons avec un mélange de bienveillance et de menace. M. de Bismarck se flatte toujours, il est vrai, de remédier à ces fermentations populaires par son socialisme d’état, et au moment même où les dernières grèves éclataient, il pressait devant son parlement le vote d’une loi sur les retraites des ouvriers, sur les invalides du travail. Le chancelier, qui est intervenu de sa parole en prétendant qu’il n’y avait pas de temps à perdre, que l’année prochaine on n’aurait peut-être pas autant de loisirs, le chancelier a Uni par avoir sa loi. Le mouvement gréviste ne semble pourtant qu’à demi apaisé ; il a surtout cela de redoutable qu’il peut être une force pour le socialisme déjà puissant en Allemagne, — assez puissant pour peser dans les élections en dépit de toutes les lois répressives. — En Italie, c’est bien autre chose. Ce n’est pas seulement dans les Pouilles, en Sicile ou en Sardaigne, que la misère conduit à une sorte d’anarchie locale. Dans une partie de la Lombardie, depuis quelque temps une véritable