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Espagne, en Italie, en Hongrie, en Allemagne, en France même. Voyez, en Espagne, les provinces les plus catholiques et les moins révolutionnaires, la Navarre, le pays basque, ce sont les plus attachées à leurs libertés et à leurs fueros. Dans l’Europe chrétienne, la liberté était ancienne ; c’est le despotisme qui était récent. L’idée que le pouvoir procède du peuple était presque une banalité aux XIVe et XVe siècles. En la reprenant, les états-généraux de 1789 ne faisaient que continuer la tradition de leurs prédécesseurs.

« La Révolution n’est qu’un plagiat, ou, mieux, une parodie de l’Évangile. C’est une contrefaçon diabolique des maximes chrétiennes. C’est Satan déguisé en ange de lumière pour séduire les peuples. En ce sens, la Révolution est proprement démoniaque, satanique. Lucifer s’est emparé des conseils évangéliques, et il les a faussés par l’esprit de révolte. Il a sophistiqué les plus sublimes leçons du Christ, et des vérités il a fait des mensonges. Il a changé le pain en pierre. Liberté, égalité, fraternité, tout a été vicié par la concupiscence de la chair et l’orgueil de la vie. De la sainte liberté des enfans de Dieu, acceptant librement l’autorité de la loi, la Révolution a fait une rébellion contre Dieu, contre la loi morale et l’ordre éternel. De la noble égalité des âmes devant leur Créateur et Rédempteur, égalité idéale, n’excluant pas les hiérarchies nécessaires, elle a fait une égalité matérielle, grossière, niveleuse, aussi contraire à l’ordre naturel qu’au dessein providentiel. De la suave fraternité chrétienne, elle a fait une menteuse étiquette qui ne recouvre qu’égoïsme et cupidité. On juge l’arbre à ses fruits. En repoussant Dieu et son Christ, la Révolution a livré le monde à la compétition des appétits. Au lieu d’agneaux, elle a fait des loups qui s’entre-dévorent. Elle a fomenté les luttes de classes et déchaîné sur les sociétés, uniquement occupées des biens matériels, une guerre sociale sans trêve ni merci. Eritis sicut Dei, disait le serpent. Vous serez pareils à des dieux, a répété la Révolution. Vous n’aurez rien au-dessus de vous ; vous serez à vous-même votre propre loi. L’homme tombé, impuissant à se relever, est par lui-même incapable du bien ; et la Révolution, niant la chute originelle, enseigne que l’homme est naturellement bon ; elle l’émancipe de tout frein spirituel au moment où elle le libère de tout joug temporel. Elle lui parle de ses droits, jamais de ses devoirs. Elle annonce le règne de la Raison et elle repousse le verbe, le Logos éternel, sans lequel l’humaine raison n’est que ténèbres. A la cité de Dieu, céleste idéal planant au-dessus des sociétés chrétiennes, elle prétend substituer la cité humaine, bâtie uniquement sur la raison et la science : pernicieuse utopie d’esprits aveuglés, qui ne voient pas que sans Dieu la terre devient un enfer.

« Ainsi envisagée dans ses erreurs et ses faux dogmes, la