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de se signaler par de brillans débats, aussi bien que les peintres ou les sculpteurs plus avancés déjà dans la carrière ; en un mot, elle ne tenait éloignés d’elle ni un talent de quelque valeur, ni un homme dont les tendances, si peu « académiques » qu’elles parussent, méritaient nu fond d’être prises en considération[1]. De là, sinon l’unité, au moins l’intérêt continu que présente la série des membres qui se succédèrent dans le sein de la compagnie depuis Le Brun et Le Sueur jusqu’à Watteau et depuis Watteau jusqu’à David, l’histoire de l’Académie royale de peinture et de sculpture est, en réalité, l’histoire même de l’art français dans la période qui commence avec la seconde moitié du XVIIe siècle et que clôt l’époque de la révolution. Sauf Lantara et deux ou trois autres peut-être, on ne trouverait pas à citer, même parmi les poetæ minores de la peinture et de la sculpture au XVIIe et au XVIIIe siècle, d’artistes dignes de ce nom que l’Académie ait oublié ou refusé de s’attacher. Enfin, à côté des peintres, des sculpteurs ou des graveurs de profession, des places étaient réservées dans la compagnie à des historiens de l’art comme Féfibien et Belloni, à des archéologues comme Caylus et Choiseul-Gouffier, à des connaisseurs comme Mariette, à des amateurs de haut rang comme le prince de La Tour d’Auvergne, le duc de Rohan-Chabot et le maréchal de Ségur, à tous ceux que recommandaient leurs lumières spéciales ou les services rendus par eux à la cause de l’art et aux artistes. Sous le titre d’abord de « conseillers honoraires, » plus tard (à partir de 1747), sous celui « d’honoraires-amateurs, » ces membres laïques, en quelque sorte, de la congrégation académique, s’associaient à ses travaux, intervenaient utilement dans le règlement de ses affaires extérieures et tenaient à honneur de se dire les confrères d’hommes que le talent rapprochait d’eux, comme eux-mêmes trouvaient, à les fréquenter, le profit, suivant les cas, d’un surcroît d’instruction personnelle ou de conseils bons à suivre dans l’exercice de leurs fonctions[2].

  1. Le seul obstacle légal à l’admission d’un candidat était la dissidence de celui-ci au point de vue de la foi religieuse. Quiconque aspirait au titre d’académicien devait professer la religion catholique. Encore arriva-t-il plus d’une foin, dans le cours du XVIIIe siècle, que la prohibition fut levée en faveur de certains artistes étrangers, les peintres de portraits Lundberg et Roslin entre autres, dont les noms figurent sur les registres de l’Académie avec cette mention : « Reçus sur l’ordre du roi, quoique protestans. »
  2. Outre une quarantaine d’érudits ou de curieux appartenant tant à la bourgeoisie qu’au monde de la cour, la liste des conseillers honoraires et des honoraires-amateurs admis depuis le règne de Louis XIV jusqu’à l’époque de la Révolution comprend plusieurs architectes qui n’auraient pu entrer comme tels à l’Académie de peinture et de sculpture, puisque leur art n’y était pas représenté, et que l’Académie dont ils faisaient partie, l’Académie d’architecture proprement dite, avait son caractère spécial et son existence distincte. C’est ainsi qu’au nombre des « honoraires » de l’Académie de peinture on voit figurer quelques-uns des premiers architectes du roi ou des contrôleurs-généraux des bâtimens, Perrault, Mansart, Desgodets, les deux De Cotte, Gabriel, Soufflot, etc.