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lâche sentiment d’envie ou à un besoin inepte de vengeance, quel bénéfice personnel pouvaient retirer d’une-pareille mesure ceux-là mêmes qui la réclamaient ? En quoi leur situation actuelle s’en serait-elle améliorée ? Les sources d’activité étaient taries partout pour les artistes ; tout leur manquait, les fonctions régulières aussi bien que les tâches accidentelles. Pour les membres de l’ancienne Académie, rien n’existait plus des ressources qu’ils trouvaient autrefois dans leurs emplois de professeurs ou de professeurs-adjoints à l’école établie au Louvre ; et, d’un autre côté, l’état des finances publiques ne permettait guère d’engager des dépenses ayant pour objet l’acquisition de sculptures ou de peintures, fassent-elles sorties du ciseau ou du pinceau des républicains les plus avérés. Sauf quelques concours ouverts par ordre du comité de salut public pour des projets de monumens à élever au Peuple sur le pont Neuf, à la Nature sur la place de la Bastille, à la Liberté sur la place de la Révolution, sauf d’autres projets fournis par David pour des cérémonies ou des fêtes populaires, — comme cette fête, par exemple, en l’honneur des soldats rebelles du régiment de Châteauvieux que les vers d’André Chénier ont voués à une immortelle infamie, et la fête dite de l’Etre Suprême qui précéda de si peu la chute de Robespierre, — les travaux commandés par l’État aux artistes à partir de 1792[1] se réduisirent à peu près à néant. Rien

  1. Au mois de mai de cette année, une somme de 90,000 livres, votée par l’Assemblée législative « pour être employée en encouragemens aux artistes, » fut répartie entre vingt-six peintres, sculpteurs, architectes et graveurs dont les ouvrages avaient figuré au Salon de 1791. Dans les deux années qui suivirent, on ne trouverait guère à citer d’autres récompenses importantes décernées aux artistes que les prix obtenus par quelques-uns d’entre eux en 1791, à la suite d’une exposition d’œuvres représentant des scènes de la dévolution, le Dix Août du Gérard, entre autres, et une Scène vendéenne, par Vincent.