Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui touche presque à l’Equateur, pourrait produire abondamment d’autres épices qui, du reste, s’y trouvent à l’état sauvage. L’arbre à thé, qui croît admirablement dans l’un des états des Shans, donne une feuille dont la saveur ne plaît guère aux Européens ; en revanche, les Birmans en sont friands, et ils ne croient pas avoir fait un bon repas, s’ils n’en ont pas absorbé plusieurs infusions. L’ex-souverain s’en était fait de beaux revenus en le monopolisant. Il y a donc chez les Shans un terrain où l’arbre à thé prospère admirablement. Le cotonnier est en plein rapport au sud de Mandalay. J’ai dit qu’un arbre qui est pour les marines militaires la meilleure des essences forestières, le bois de teck, se trouvait dans les montagnes. Il possède une huile essentielle qui le préserve de l’humidité et défend le fer de la rouille quand il s’y trouve encloué. Il reste exposé impunément à la grande chaleur ou au contact de l’eau sans se fendre ni se pourrir ; de plus, il résiste au ver blanc, qui, en Asie, ronge tous les autres bois et surtout les bois d’Europe. Indépendamment du cocotier, du bananier, du manguier, de l’oranger et de l’ananas, la Birmanie produit l’aréquier en quantité très grande. Ce gracieux conifère, au feuillage moins abondant que celui des dattiers et des cocotiers, soit qu’il s’élève au-dessus des rizières, d’un massif d’hibiscus, ou qu’il dresse sa tige élancée au sommet d’un coteau, réjouit toujours les yeux par son bouquet de fines palmes et ses fruits dorés. Comme tous les indigènes mâchent la feuille du bétel, dans laquelle un morceau de la noix de l’aréquier se trouve enveloppé, la récolte en est énorme. La poudre d’or se trouve dans le sable des rivières. Si elle est rare dans la poche des Birmans, elle s’étale et brille au soleil en lames épaisses sur les toits sextuples des portes des villes, aux colonnes des palais, et dans l’intérieur des temples. Toutes les richesses de la Birmanie y passent. Le cuivre est en telle abondance dans les états des Shans que les anciennes pagodes du Laos en sont recouvertes par plaques épaisses. L’étain se trouve au sud de Tenasserim ; il se montre tout le long des couches granitiques de cette province, pour descendre de la péninsule malaise jusqu’aux détroits de la Sonde, où les Célestes l’exploitent sur une grande échelle. L’huile de pétrole y est connue et utilisée depuis un temps immémorial, bien longtemps avant son exploitation en Amérique.

Mais ce qui fait de la Birmanie une des plus riches contrées du monde, ce sont ses pierres précieuses. Les mines de Mogoung, au pays montagneux des Shans, ont été pendant longtemps les seules qui aient fourni le véritable rubis d’Orient. L’ex-roi Thibô en portait un à son doigt du poids de 80 carats lorsque les Anglais lui