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châtiment, vieux et cassé ; comment il pourra enfin, à l’aide d’un étranger mystérieux, retrouver Scylla et recouvrer sa jeunesse. Or cet étranger n’est autre qu’Endymioni. Glaucus se rend avec lui dans un palais sous-marin où, depuis des siècles, il a couché côte à côte les jeunes hommes et les jeunes femmes qui se sont noyés par amour. Endymion les ressuscite, et, avec eux, la malheureuse Scylla. Tous ensemble vont, dans un élan de reconnaissance, rendre hommage au roi Neptune.

Au livre suivant et dernier. Endymion erre de nouveau solitaire, quand il rencontre une jeune Indienne, qui lui raconte, elle aussi, ses malheurs. Ce récit, purement épisodique, est la meilleure partie d’Endymion : c’est une sorte d’orientale à la Henri Heine, tantôt mélancolique, tantôt éclatante et joyeuse. L’héroïne rappelle comment elle a suivi, dans sa course errante, le dieu Bacchus[1] : « Par les larges rivières et les hautes montagnes, nous allions ; et, sauf quand Bacchus se retirait dans sa tente de lierre, halelans, bondissaient le tigre et le léopard, avec les éléphans d’Asie ; en avant allaient des myriades d’êtres, chantant et dansant, avec les zèbres rayés, les chevaux lustrés et fringans de l’Arabie, les alligators aux pieds palmés, les crocodiles portant sur leurs dos écaillés, en files, des enfans potelés et rieurs, imitant la manœuvre des matelots et le labeur des robustes galériens ; avec des avirons qui sont des jouets, et des voiles de soie, ils glissent, insoucians du vent et de la marée… J’ai vu l’Osirienne Égypte s’agenouiller devant la couronne de vigne tressée ! J’ai vu l’Abyssinie aride se lever et chanter au bruit des cymbales d’argent ! J’ai vu la vendange victorieuse envahir de sa chaleur la vieille et sauvage Tartarie ! Les rois de l’Inde abaissent leurs sceptres ornés de joyaux, et, de leurs trésors, les répandent une pluie de perles : du haut de son ciel mystique, le grand Brahma gémit, et tous ses prêtres se lamentent, devenus tout pâles devant le regard du jeune Bacchus. »

Endymion, devenu éperdument amoureux de la jeune Indienne, oublie pour elle la déesse mystérieuse. Mais il se trouve qu’en somme la déesse et l’Indienne n’étaient qu’une seule et même personne, à savoir : Cynthia ou Diane, à laquelle Endymion finit par être réuni pour jamais.

Le lecteur n’est pas sans s’être aperçu, même à travers cette maigre et ingrate analyse, du défaut essentiel de l’œuvre : je veux dire le manque d’unité. Il n’y a, en vérité, ni plan, ni idée maîtresse. C’est une suite de tableaux brillans, les uns charmans, les

  1. Il n’est pas sans intérêt de rappeler que la description du cortège de Bacchus a été inspirée par le tableau fameux de Titien, à la National Gallery.