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équatoriale sans rencontrer un nom. Un peu de patience ; savez-vous bien que sur ce globe, depuis trois mois qu’il est en place, on a déjà remanié deux fois l’Afrique, pour la tenir au courant des dernières investigations ? Ce qui saisit le regard, tout d’abord, et raffermit le courage, c’est le solide réseau où la terre est prisonnière, rails, fils télégraphiques, sillages de navires ; c’est la direction constante de ces veines et de ces artères, rapportant ou puisant la vie au cœur de ce grand corps, dans la petite Europe, au cœur de l’Europe dans la France, au cœur de la France dans ce minuscule Paris, qui couvre un centimètre carré. Un seul coup d’œil montre tous les efforts de la nature et tous les efforts de l’histoire conspirant à centraliser la vie sur ce point. Soyons modestes, ne le disons pas trop : Marseille n’aurait qu’à être jalouse, sans parler des autres ! Observons plutôt les dernières mailles du filet, qui tendent à s’accrocher ailleurs, et resserrons les mailles chez nous. — Mais j’oublie d’épuiser mes réclamations. Je voudrais voir en Asie l’itinéraire de Marco-Polo, à côté des voyages plus récens ; le vénitien a tracé la route d’où ses successeurs ne se sont guère écartés. J’ai demandé l’indication des gisemens de pétrole, si curieux dans leur disposition annulaire autour du globe. On m’a promis le pétrole. Je m’arrête. Que de choses j’aurais encore à réclamer sur la terre !

Qu’on ne se récrie pas sur mon faible pour ce grand joujou. Par des moyens très puérils, je l’accorde, il suggère des pensées graves, rectifie des erreurs et consolide des certitudes. A ceux mêmes qui n’ont pas la passion de la planète, je dirai qu’aucun théâtre ne peut leur offrir une source de jouissances aussi abondante. Qu’ils écoutent le public. On n’imagine pas combien l’homme livre le fond de son âme, en présence de la Terre, comme elle fait apparaître la diversité des esprits. Vous entendez là actuellement tous les dialectes, ce qui ne manque pas de couleur locale ; et tous les discours sont à retenir. Des visiteurs se donnent un but. Les aventureux refont la route d’un grand navigateur : les uns s’embarquent résolument avec Dumont d’Urville, d’autres préfèrent La Pérouse. Une société s’était attachée aux pas de M. Bonvalot ; accroupis sur le bord du balcon, les explorateurs fouillaient les replis du Pamir, et ils échangeaient des vues sur cette contrée. D’aucuns proposent au gardien des rectifications, d’après les dires d’un ami qui a voyagé. Il est instructif de suivre du haut en bas les familles qui accomplissent leur périple. Après quelques expériences, on peut établir la moyenne des connaissances géographiques d’une famille française en 1889. Elle part du pôle, non sans avoir disputé sur la possibilité d’y naviguer. La Sibérie l’étonné par son étendue ; et ce nom