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toire de la paix industrieuse et féconde. — Au même instant, cependant, d’un autre côté, dans les profondeurs de la terre éclate un feu mystérieux et insaisissable, qui d’un seul coup dévore toute une population laborieuse vouée à l’extraction du grand moteur de l’industrie : c’est cette catastrophe des mines de la Loire qui a mis Saint-Etienne en deuil, qui a aussitôt retenti à Paris, où elle a remué cette pitié humaine toujours prête à s’éveiller, même au milieu des fêtes. Il y a déjà plus de deux cents victimes, et elles ne sont pas encore toutes connues : l’abîme noir n’a pas rendu toute sa proie. Est-ce l’effet de quelque négligence, de quelque insuffisance ou d’une défectuosité dans l’organisation des mines ? Non, il ne le paraît pas. Tout indique, au contraire, que les précautions les plus minutieuses étaient prises, que la science des ingénieurs avait épuisé ses prévoyances pour la sécurité des ouvriers employés à cette dure besogne. S’il y a eu quelque accident, il a été fortuit et il reste inconnu ; il est de ceux contre lesquels on ne peut pas même se prémunir. C’est la chance de l’industrie souterraine : ces mineurs sont morts obscurément sur leur champ de bataille invisible, occupés à dégager du sein de la terre ce qui sert à conduire nos navires sur la mer, à percer les montagnes et à mettre en mouvement les plus puissantes machines. Ce sont des soldats à leur manière. Quel rapport y a-t-il donc, direz-vous, entre l’exposition et cette catastrophe accidentelle ? Il n’y en a aucun ; il n’y a que cette coïncidence émouvante du travail vu tout à la fois, au même instant, dans son éclat le plus victorieux et dans une de ses plus cruelles fatalités.

C’est assez, — et tandis que la vie contemporaine est pleine de ces coïncidences ou de ces contrastes, de tout ce qui peut le mieux remuer l’imagination ou la pitié, que peut être, qu’est-ce que la politique, au moins la politique telle qu’on la fait ? Elle existe, sans doute, il faut le croire ; elle fait même assez de bruit, et elle menacé d’en faire encore davantage d’ici à peu. Elle ne laisse pas, il faut l’avouer, d’être provisoirement assez médiocre, même assez répugnante, et cette fin de session, où tout semble se concentrer, n’est pas, on en conviendra bien, de nature à relever le prestige d’une chambre qui va mourir et des partis qui ont la prétention de disposer de la France. Le fait est que cette fin de session est un singulier préliminaire des élections prochaines et que les partis, avant d’aller se mesurer devant le pays, leur dernier juge, ne sont depuis quelque temps occupés qu’à se déchirer, à se défier, à se diffamer, à faire du Palais-Bourbon une sorte de théâtre avili des plus étranges manifestations. À la vérité, cette chambre épuisée, sentant sa fin prochaine, aurait pu au moins consacrer ses derniers jours à quelques œuvres utiles et modestes ; elle n’avait qu’à expédier le budget, qu’elle n’était plus capable de réformer, à voter les lois les plus nécessaires, à se défendre surtout des vaines agitations. Elle n’a sûrement jamais mérité le compliment un peu im-