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nous apprend qu’il y avait des prophétesses aussi bien que des prophètes (13-17), et comment aurait-on pu en douter ? Mais on ne voit pas qu’aucune prophétesse ait rien écrit[1]. Il nous montre aussi tout le désordre des esprits dans ces temps troublés, en nous disant que les mêmes hommes qui adoraient, les pièces de bois (les idoles) venaient aussi consulter les prophètes de Jéhova, et en déclarant que Jéhova condamne et perd tout à la fois le consultant et le prophète (14-3, etc.).

Mais il faut surtout entendre Ézéchiel, comme Jérémie, s’épancher sur la mission qu’il a reçue d’en haut. Dans une première vision (on sait le caractère étrange de ces visions d’Ézéchiel). Jéhova s’est montré à lui dans sa gloire, et en le voyant il est tombé par terre comme foudroyé ; mais l’Esprit s’est emparé de lui et l’a remis sur ses pieds. Une main alors lui a tendu un rouleau, c’est-à-dire un livre (2-9). sur lequel sont écrits des gémissemens et des cris de douleur. On le lui fait avaler, et voilà que dans sa bouche ces choses amères sont douces comme du miel. C’est sans doute une autre manière d’exprimer ce qu’exprimait Jérémie quand il se représentait lui-même s’abandonnant au tourment de l’inspiration avec une irrésistible ivresse. Jéhova lui promet de le fortifier contre les obstacles, puis il ajoute qu’il l’établit comme une sentinelle pour veiller sur Israël et pour l’avertir. Si l’avertissement n’est pas écoulé de ceux à qui il s’adresse, ils seront punis ; mais si l’avertissement n’a pas été donné, c’est sur le prophète que tombera le châtiment. Je parlais tout à l’heure des esprits troublés par les prophètes ; mais il ne s’en trouvait que trop qui échappaient au trouble par l’indifférence. Non qu’ils pussent être absolument insensibles à la véhémence des inspirés, mais elle n’agissait guère que sur leurs sens et ne les pénétrait pas jusqu’au fond. « Les enfans de ton peuple, dit Jéhova au prophète, jasent de toi sur leurs divans et aux portes des maisons. Ils s’adressent l’un à l’autre, et chacun dit à son voisin : Allons, viens, sachons la parole qui est sortie de Jéhova. Et ils accourent à toi comme accourt la foule ; ils s’assiéent en face de toi et ils écoutent tes paroles, mais ils n’en tiennent pas compte en effet ; ils les répètent comme une belle musique, tandis que leurs pensées vont à leurs gains. Tu leur es comme une belle musique, comme une voix qui résonne bien ; ils n’agissent pas d’après cela. Mais quand l’événement sera arrivé, et il arrivera, ils reconnaîtront qu’il y a eu au milieu d’eux un prophète (33-30). »

  1. Nulle part ailleurs il n’est parlé de prophétesses dans les livres des prophètes. Mais les livres historiques mentionnent trois prophétesses aux temps antiques : Marie, sœur d’Aaron (Exode, 15-20) : Débora (Juges, 4-4), et Holda sous Josias, II (Rois, 22-14).