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rejeté dans le camp du prince ; ses adversaires exagéraient leur royalisme pour l’expulser du sien.

A la tête de ces adversaires était le jeune évêque, la Rocheposay d’Abain, l’ami de Richelieu. Il était en correspondance avec la reine, avec Phelypeaux, et se sentait soutenu par le gouvernement. Il prit bientôt une attitude violente, agressive, peu convenable à un évêque. Il fit assassiner un émissaire du prince de Condé, Latrie. Il fit fermer les portes au prince lui-même qui s’avançait vers la ville et, enlevant la direction effective des affaires au maire et à ses échevins, il se mit en posture de soutenir un siège.

Le gouverneur, le duc de Roannès, instruit des faits, accourut en toute hâte avec des paroles de conciliation. On ne voulut pas l’entendre. Il fut menacé, maltraité par les partisans de l’évêque ; il ne dut la vie qu’à sa prudence et fut forcé de quitter la ville.

Cependant, la paix de Sainte-Menehould était intervenue. La reine s’avança elle-même, à la tête d’une armée assez importante pour pacifier les provinces de l’ouest. Elle délivra à MM. Mangot et Mazuier, maîtres des requêtes, une commission qui leur donnait charge d’entendre les deux partis et de calmer les esprits. Le duc de Roannès revint « pour un jour » à Poitiers. L’assassinat des compagnons de Latrie fut oublié, tout rentra dans l’ordre. Mais l’évêque La Rocheposay, qui avait affiché un royalisme si intolérant, garda toute son influence.

Or c’est précisément à cette influence, à l’appui que lui donna son ami, que Richelieu dut, en août 1614, son élection aux états-généraux.

Le peu de renseignemens que nous avons sur cette période de sa vie nous le montre se prononçant très nettement contre les princes. Résidant dans son prieuré de Coussay, il soutient de ses conseils l’énergie de son collègue de Poitiers. Ils étaient à cette époque très unis.

Comme les bandes de Mayenne, allié de Condé, parcouraient le Poitou, elles n’eurent pas, pour le château de Richelieu, les égards auxquels avait droit la veuve du grand-prévôt. Richelieu en écrit de bonne encre à un lieutenant du duc de Mayenne, et il lui fait savoir qu’il comptait surplus d’attention de la part du duc : « Je lui en eusse volontiers écrit, dit-il, si je n’eusse reconnu par le traitement qu’il a fait à ma mère, ou qu’il ne me croit plus au monde, ou qu’il me tient du tout incapable de lui rendre jamais service. » Adressée à l’ancien adversaire de Henri IV, c’est là une parole assez fière et qui ne sent plus son débutant.

Lors de la signature de la paix de Sainte-Menehould, Richelieu