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troublées, de la monarchie des Valois. Peut-être son enfance a-t-elle gardé l’étonnement de cette journée des barricades qui chassa le roi de sa capitale et mit en péril l’unité du royaume ? Son père concourt à l’avènement de la dynastie des Bourbons et crée ainsi le lien qui rattache une famille, toujours fidèle, à la nouvelle race des rois. Ce père meurt. La mère retourne à Richelieu, ramassant autour d’elle, avec ses fils, les débris d’une fortune que les révolutions ont détruite.

Tout le monde souffre dans le royaume ; la province où elle se réfugie, plus que nulle autre. La petite famille est exposée à tous les hasards de ces temps sombres. On vit, dans ce château lointain, serrés les uns contre les autres, en proie à toutes les émotions, à toutes les terreurs, à toutes les misères privées qui suivent les malheurs, publics.

La guerre, la rébellion, frappent aux portes et, à coups répétés, enfoncent, dans ces âmes impressionnables, l’horreur et la haine de la rébellion et de la guerre.

La source du mal m’est pas loin : elle est à La Rochelle, à Saumur, à Loudun ; c’est l’hérésie. C’est elle qui engendre l’insoumission, les luttes individuelles, le désordre. Elle est la mère funeste de tous les maux dont on souffre.

L’enfant revient à Paris pour y poursuivre des études commencées dans le tumulte. A Paris, même spectacle. La honte et la désolation s’étalent jusque dans le paisible séjour des écoliers, sur cette Montagne-Sainte-Geneviève que la guerre civile n’a pas respectée. Les esprits sont sur le qui-vive. Il semble toujours que les maux passés vont reparaître ; les anciennes inquiétudes renaissent à la moindre alerte.

Pourtant, le pouvoir royal s’est ressaisi, sous la direction d’un prince vaillant, habile, autoritaire. Cette enfance s’achève dans le calme et la prospérité relative des dernières années du règne de Henri IV. On avait tant souffert que le contraste grandit encore le grand roi auquel on devait ce bonheur. Il suffit de quelques années heureuses pour rendre à tous les Français cette inclination vers le pouvoir personnel qui leur est si naturelle.

Le jeune adolescent recueille bientôt les premiers bénéfices des services rendus par son père à la nouvelle dynastie. Le roi le remarque, le connaît, l’appelle. Par les soins du prince, ses études sont facilitées ; sa carrière est ouverte. Rome, à la demande du roi, passe sur les exigences habituelles de lii hiérarchie. Henri IV fait de Richelieu un évêque, son évêque.

Celui-ci retourne dans sa province. Il y attend, dans le repos laborieux des lettres, l’heure de se distinguer ; il y acquiert le