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génésiques. Mais, à cet égard, nous devons l’interroger lui-même.

Puis, levant la tête et portant sa main sur ses yeux, pour n’être point aveuglé par le soleil, il enfla sa voix :

— Holà ! Paphnuce. S’il te souvient que tu fus mon hôte, réponds-moi. Que fais-tu là-haut ? Pourquoi y es-tu monté et pourquoi y demeures-tu ?

Paphnuce, considérant que Cotta était idolâtre, ne daigna pas lui faire de réponse. Mais Flavien, son disciple, s’approcha et dit :

— Illustrissime seigneur, ce saint homme prend les péchés du monde et guérit les maladies.

— Par Jupiter ! tu l’entends, Aristée, s’écria Cotta. Le néphélococcygien exerce, comme toi, la médecine ! Que dis-tu d’un confrère si élevé ?

Aristée secoua la tête :

— Il est possible qu’il guérisse mieux que je ne fais moi-même certaines maladies, telles, par exemple, que l’épilepsie, nommée vulgairement mal divin, bien que toutes les maladies soient également divines, car elles viennent toutes des dieux. Mais la cause de ce mal est en partie dans l’imagination, et tu reconnaîtras, Lucius, que ce moine ainsi juché sur cette tête de déesse frappe l’imagination des malades plus fortement que je ne saurais le faire courbé dans mon officine sur mes mortiers et mes fioles. Il y a des forces, Lucius, infiniment plus puissantes que la raison et que la science.

— Lesquelles ? demanda Cotta.

— L’ignorance et la folie, répondit Aristée.

— J’ai rarement vu quelque chose de plus curieux que ce que je vois en ce moment, reprit Cotta, et je souhaite qu’un jour un écrivain habile raconte la fondation de Stylopolis. Mais les spectacles les plus rares ne doivent pas retenir plus longtemps qu’il ne convient un homme grave et laborieux. Allons inspecter les canaux. Adieu, bon Paphnuce ! ou plutôt, au revoir. Si jamais, redescendu sur la terre, tu retournes à Alexandrie, ne manque pas, je t’en prie, de venir souper chez moi.

Ces paroles, entendues par les assistans, passèrent de bouche en bouche et, publiées par les fidèles, ajoutèrent une incomparable splendeur à la gloire de Paphnuce. De pieuses imaginations les ornèrent et les transformèrent, et l’on contait que le saint, du haut de sa stèle, avait converti le préfet de la flotte à la foi des apôtres et des pères de Nicée. Les croyans donnaient aux dernières paroles d’Aurélius Cotta un sens figuré : dans leur bouche,