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modifiations des constitutions des états, qui sont très fréquentes, surtout dans ceux de l’Ouest. D’après ce que nous apprend M. Hitchcock dans son livre si instructif, Study of american state constitutions[1], depuis 1776 on a adopté 105 constitutions nouvelles, plus 214 amendemens constitutionnels. La durée moyenne d’une constitution est de trente ans. Dans les états de la Nouvelle-Angleterre, où l’esprit traditionnel des puritains a conservé plus d’action, les changemens sont moins fréquens. Ainsi, le Massachusetts vit encore sous sa constitution de 1780 ; le Connecticut, le Rhode-Island et le Maine n’ont modifié la leur qu’une fois ; le Vermont et le New-Hampshire que deux fois. Les constitutions et les lois des états particuliers ont pour le citoyen une tout autre importance que celles du gouvernement fédéral ; car les premières le touchent sans cesse et dans sa vie de chaque jour, pour ses droits civils et politiques, tandis que les secondes se rapportent plutôt aux relations de la Confédération avec l’étranger ou aux rapports des états particuliers entre eux.

Dans les modifications de ces nombreuses constitutions, M. Bryce a été frappé de deux tendances, en apparence, opposées, mais nées d’un même sentiment de défiance à l’égard des députés : d’une part, on a accru l’autorité du pouvoir exécutif, représenté par le gouverneur ; d’autre part, on a fait intervenir plus directement le vote populaire. Ainsi, à l’origine, on aurait cru porter atteinte à la souveraineté du peuple en donnant II l’exécutif le droit de refuser sa sanction aux lois votées par les chambres. Peu à peu, comme nous l’avons dit, le veto a été accordé au gouverneur dans tous les états, sauf quatre. La durée de ses fonctions a été prolongée, et les restrictions à sa rééligibilité ont été presque partout supprimées. Les juges aussi sont nommés pour un temps plus long, et leur traitement a été augmenté. Ils étaient naguère souvent choisis par le parlement ; aujourd’hui, là où ils ne sont pas élus par le suffrage universel, ils sont désignés par le gouverneur.

D’où vient cette tendance générale à accroître les prérogatives de l’exécutif, si opposée, semble-t-il, à l’esprit démocratique ? C’est d’abord parce que le gouverneur élu par le corps électoral de l’état tout entier est souvent un personnage considérable, connu et jouissant de l’estime publique. C’est ensuite parce que l’on a reconnu que dans le domaine de la politique, comme dans celui de l’industrie, rien n’est aussi efficace pour obtenir de bonne besogne que la

  1. En Europe tout ce qui concerne le gouvernement de la grande république a été l’objet de nombreuse » et excellentes études ; mais ce qui se rapporte aux états particuliers, étant d’accès plus difficile, a été négligé, sauf par M. Boutmy, qui en fait ressortir toute l’importance.