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son organisme militaire au plus haut degré de force et de souplesse, après avoir réalisé, autant que le permet l’état social actuel, l’idéal de la nation armée, l’empire d’Allemagne se tourne aujourd’hui vers la mer et consacre une grande partie de ses ressources à l’augmentation de ses forces navales. Les hommes éminens qui le gouvernent apprécient l’importance du rôle que jouera la marine dans les luttes de l’avenir ; aussi, pour faciliter la tâche de leur flotte, lui ont-ils assuré, pendant une longue période de labeur obscur et persévérant, des ports à peu près inexpugnables et admirablement outillés, une administration prévoyante, un personnel exercé avec le plus grand soin. Ce sont là des bases solides, sur lesquelles on bâtit l’édifice d’une marine qui prend peu à peu une inquiétante extension.

A ses douze anciens cuirassés d’escadre, l’Allemagne pourra joindre, en 1895, quatre nouveaux cuirassés, non point des mastodontes comme ceux du « fidèle allié » du sud, mais des navires de déplacement moyen, d’un tirant d’eau relativement faible, qualité précieuse pour des bâtimens appelés à naviguer dans les mers basses du nord de l’Europe ; il n’est que juste d’ajouter à ces quatre cuirassés d’escadre, sept croiseurs blindés qui sont, en réalité, des cuirassés de deuxième rang ; enfin, il faut noter le précieux appui que ces navires de haute mer recevront de dix cuirassés garde-côtes qui paraissent destinés spécialement à la défense des deux issues, dans l’estuaire de l’Elbe et dans la baie de Kiel, du canal maritime de l’isthme holsteinois. — Je passe sur les croiseurs non blindés et sur les avisos torpilleurs qui viendront renforcer une flotte légère déjà très bien pourvue.

En résumé, les traits essentiels de la marine allemande résultent de la parfaite méthode qui a présidé à sa constitution : elle est restée longtemps une arme défensive des plus solides ; maintenant que l’ensemble de ses institutions a pris le développement et la cohésion qui font la force des vieilles marines, elle va devenir un instrument d’offensive avec lequel il faudra largement compter.

Un moment découragée par sa défaite de Lissa, l’Italie sentit renaître après nos désastres toutes ses ambitions maritimes et s’apprêta à recueillir dans la Méditerranée une succession qu’elle jugeait ouverte. Mais il fallait se hâter de créer une nouvelle flotte pour remplacer celle qui avait si malheureusement combattu en 1860 et dont les types, anciens déjà, n’étaient plus à la hauteur des nouvelles exigences. — Appelés à présider à la réfection du matériel flottant, M. l’amiral de Saint-Bon et M. l’ingénieur Brin, deux hommes aux talens de qui nous nous plaisons à rendre hommage, se décidèrent à rompre avec de timides traditions et à réunir sur