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bien de l’Orient et du Nord, car c’est de Samosate que, suivi de deux légions qu’Antoine fait partir avec lui, il vient tout à coup assiéger Jérusalem (14-15-8). Quant à ce chemin par lequel il passa tranquille, en poursuivant Antigone, sans qu’il y eût posé les pieds, je pense que c’est la mer, qu’il avait traversée deux lois, et dont il a fait ainsi le chemin de sa victoire.

Mais voici comme, parle Jéhova en un autre endroit (44-26) : « J’accomplis les promesses de mes messagers ; je dis de Jérusalem : Elle sera repeuplée, et des villes de Juda : Elles seront rebâties ; je relèverai leurs ruines. Je dis à la mer : Dessèche-toi, je taris tes eaux. Je dis à Cyrus : Sois mon pasteur, accomplis mes volontés. Je dis de Jérusalem : Qu’elle soit reconstruite ; et toi, Temple, sois rebâti. Ainsi dit Jéhova à son Oint, Cyrus : Je le tiens par la main ; j’abaisse devant lui les peuples ; je brise la force des rois ; j’ouvre devant lui les portes, et elles ne se ferment pas pour lui. Moi-même je marche devant toi, j’aplanis les obstacles ; j’enfonce les portes d’airain ; je brise les barreaux de fer. Je te donne des trésors enfouis dans l’ombre et profondément cachés, afin que tu saches que c’est moi, Jéhova, qui t’appelle, le dieu d’Israël. En faveur de Jacob, mon serviteur Israël, mon élu, je t’ai appelé par ton nom, je t’ai donné ton titre, et tu ne me connaissais pas. »

En lisant le nom de Cyrus, il semble qu’on est bien loin d’Hérode ; mais que faut-il penser de ce nom ? On a vu déjà que les noms propres peuvent tromper dans les prophètes ; Nabuchodonosor n’est pas Nabuchodonosor ; Zorobabel n’est pas Zorobabel ; pourquoi Cyrus serait-il Cyrus ? Eh bien ! ce n’est pas Cyrus, et on peut en donner des preuves. La première, la plus éclatante, c’est qu’il n’est pas possible qu’un juif ait appelé Cyrus l’Oint de Jéhova. Jéhova ne pouvait avoir ni un Oint ni un pasteur de son troupeau hors de Juda, de son roi ou de son grand-prêtre. Un roi des Perses, quelque favorable qu’il pût être à son peuple, n’était pas son Oint.

De plus, dans ces versets sur un prétendu Cyrus, il n’est pas question de ce qui a été avant tout l’œuvre de Cyrus, c’est-à-dire de la destruction de l’empire babylonien (on n’y nomme pas même Babylone), ni de l’affranchissement des juifs qui en a été la suite. Il n’y est parlé que de la restauration du Temple, où Cyrus, en réalité, n’a été pour rien, puisqu’on voit par le livre d’Esdras et par Aggée et Zacharie, que le Temple n’a été reconstruit que sous le second Darius. Il est vrai qu’il existe un récit qui donne dans cette restauration une part à Cyrus[1] ; mais il suffit de lire ce récit pour y reconnaître une pure légende : « Jéhova inspira l’esprit de Cyrus, roi de Perse, et il fit répandre par tout son royaume

  1. Voir II, Chroniques, 36, 22, et Esdras, I, 1.