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la même origine que les propositions émanant des académiciens leurs confrères. En d’autres termes, le personnel enseignant de l’École se trouvait, à quelques rares exceptions près, tout naturellement composé de membres de l’Institut ; mais l’Académie, en tant que corps, n’intervenait pas dans la direction des études. L’action exercée par les académiciens professeurs était tout individuelle, tout indépendante de l’influence collective de la Compagnie, et d’ailleurs, en raison même des très libéraux règlemens de l’École, cette action se trouvait assez prudemment limitée pour rendre bien impraticable le prétendu « despotisme » dont on a si injustement accusé l’Académie d’imposer le joug aux élèves.

Telle qu’elle avait été constituée sous le règne de Louis XVIII et telle qu’elle continua d’être organisée jusqu’à la fin de l’année 1863, l’Ecole des Beaux-Arts, en effet, n’offrait rien de plus qu’un terrain neutre où les talens en formation, de quelque ordre ou de quelque provenance qu’ils fussent, s’essayaient librement à la lutte ; une sorte de gymnase où de jeunes artistes préparés par les leçons qu’ils avaient reçues au dehors apportaient un commencement d’expérience et des forces déjà exercées. Ici, point d’ateliers ouverts par l’Etat à ceux qui n’en étaient encore, dans l’apprentissage de leur art, qu’à la période d’instruction primaire ; point de classes confiées chacune à un maître avec l’obligation pour lui de ne s’occuper que de ses propres disciples. Tous les élèves admis, après certaines épreuves préalables, à l’École, recevaient au même titre les conseils de différens maîtres choisis parmi les artistes les plus éminens et se succédant de mois en mois pour examiner chaque jour pendant deux heures, pour corriger au besoin, les dessins exécutés ou les figures modelées sous leurs yeux d’après nature. En fait d’enseignement pratique, tout se bornait à ces avis donnés à tous venans pour ainsi dire, par des hommes présentant, au point de vue du talent, le plus de titres, et, en raison même de la diversité de leurs inclinations personnelles, le plus de garanties contre l’esprit de système et la routine.

Sauf ces exercices de dessin et de modelage d’après nature ou, suivant l’ancienne dénomination, sans cette « école du modèle, » les programmes de l’École ne comprenaient que des concours auxquels participaient, à des intervalles périodiques, les élèves fréquentant d’habitude l’établissement et les jeunes artistes du dehors, quels qu’eussent été jusque-là leurs maîtres et leurs travaux. Les concoure, par exemple, ouverts annuellement pour les grands prix de Rome, ou du moins les épreuves précédant le concours définitif étaient, comme elles le sont encore aujourd’hui, accessibles à tout artiste français âgé de moins de trente ans. L’unique condition