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mais il avait, grâce à Neefe, trouvé quelques petites leçons, et lorsque, en 1786, Mme van Beethoven mit au monde une fille, ce fut, dans la maison, une joie exempte de soucis.

Pourtant le père se rendait bien compte que l’éducation musicale de son fils n’était pas achevée : il lui manquait la consécration d’une renommée acquise au dehors, celle aussi que confère l’approbation des maîtres glorieux. De là sans doute l’idée d’envoyer le jeune homme à Vienne, où il donnerait des concerts et se présenterait au célèbre Mozart. L’électeur, sollicite de prêter son appui à ce projet, se contenta d’accorder un congé, après les fêtes de Pâques, et d’autoriser l’avance d’un trimestre de pension. Mais Louis avait grand désir de voyager : son père y voyait l’espoir d’un bénéfice, et le départ fut décidé (1787).

A Vienne, où il se trouvait sans amis et sans ressources, Beethoven ne semble pas avoir appris grand’chose. Il ne lui était resté de ce premier séjour que deux souvenirs : celui de l’empereur Joseph II, qu’il était sans doute allé voir passer dans la rue, et celui de Mozart. Encore Mozart ne fit-il guère attention au jeune pianiste de Bonn. Des enfans prodiges, il en voyait tous les jours arriver de nouveaux, Hummel, Scheidl, maints autres que sa propre destinée avait encouragés à ce talent prématuré. On dit bien qu’il fut frappé de l’improvisation de Beethoven sur un thème qu’il lui avait donné, et l’on ajoute qu’il prononça à cette occasion un mot historique, affirmant que « la postérité entendrait parler de ce jeune homme ; » mais tout cela n’est guère certain, et, au surplus, ne signifie rien. Mozart, à peine remis du désespoir où l’avait plongé la mort de son père, était alors tout entier à la révolution qu’il essayait dans son art : il projetait une musique, ensemble voluptueuse et forte, utilisant toutes les règles de contrepoint pour la production d’une exquise jouissance sensuelle. Qu’aurait-il fait d’un sauvage de dix-sept ans, qui jouait beaucoup trop durement du piano et qui faisait mine de se croire au-dessus de lui, parce qu’il avait appris à bien improviser ? Il ne daigna pas même jouer devant lui, lui fit quelques observations générales sur l’art de la composition et retourna à son travail.

Beethoven n’avait plus d’argent ; il repartit. Il s’arrêta à Augsbourg, où il fit visite à la famille des Stein, fabricans de pianos célèbres, et où l’accueil bienveillant d’un M. de Schaden le consola un peu de son malheureux voyage. C’est grâce à M. de Schaden qu’il put continuer son chemin et revenir à Bonn.

De cruelles épreuves l’y attendaient. Sa pauvre mère était malade, tout à fait au bout de ses forces. La phtisie, qui depuis longtemps la minait, avait cette fois annoncé qu’elle n’attendrait pas plus longtemps. Et Beethoven, malade lui-même, eut à voir