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peu près égale, et quelques valeurs se sont associées au mouvement.

L’Exposition a attiré en France un nombre considérable d’étrangers qui sont venus faire, à Paris notamment, de grandes dépenses. De là un accroissement considérable de l’encaisse or à la Banque de France. Si l’on interroge, d’autre part, les bilans des établissemens de crédit, on y constate une augmentation constante des dépôts. L’année 1889 aura donc été, à tous les points de vue, une période d’énorme et rapide accumulation de capitaux, et il est impossible que ce phénomène n’ait pas une action décisive sur les cours de nos fonds publics.

Au milieu d’indices si multipliés de la prospérité générale, on a été surpris d’apprendre que le recouvrement des impôts indirects et le produit des monopoles de l’état avaient été inférieurs, dans le mois d’août dernier, de 3 millions de francs aux recettes de la période correspondante de 1888. Que pouvait signifier ce symptôme de malaise ? On fait remarquer avec raison que les diminutions de recettes portent exclusivement sur les produits de l’enregistrement, du sucre et des douanes. La réduction de perception sur l’enregistrement est un phénomène fortuit, sans portée économique. La diminution du produit des douanes tient précisément à l’excellence de la récolte de 1889, qui a eu pour conséquence dans les derniers mois de moindres importations de blé. Enfin la moins-value dans les recouvremens des taxes sur les sucres est due à une cause toute passagère, la spéculation qui s’est faite sur ce produit pendant la première partie de l’année.

Les dispositions du monde financier étaient donc toutes portées à l’optimisme, l’approche des élections n’inspirant aucune inquiétude, lorsqu’un brusque mouvement de baisse sur la rente italienne a jeté quelque trouble sur les deux marchés de Paris et de Berlin. L’Italien était à 92.75 le 31 août. La spéculation était plus portée à vendre qu’à acheter à cause des difficultés que le gouvernement de M. Crispi rencontrait dans ses efforts pour atténuer la gravité de la crise de Turin. On sait que cette crise avait été ouverte par la suspension de deux banques fortement engagées dans des entreprises immobilières. La Banque nationale d’Italie, sous la pression très vive du cabinet, a fini par consentir une avance de 30 millions aux deux établissemens compromis. Mais le coup était donné et la confiance du public dans le crédit de l’Italie, ébranlée. Les porteurs d’inscriptions de rente italienne se mirent à vendre précipitamment ; les cours se dérobèrent, on recula en deux ou trois séances jusqu’à 91 francs.

Les efforts des grands banquiers de Berlin, très engagés à la hausse des valeurs italiennes, et, sur notre place, les rachats du découvert, ont arrêté net ce commencement de panique. L’Italien a même déjà repris 92 francs, et on peut croire que le danger d’une nouvelle chute de ce fonds d’État est conjuré au moins pour quelque temps.