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prospère. Nos mœurs ne s’y prêtent pas. Il faut le regretter, surtout pour le cercle de l’Union chrétienne. Aux États-Unis et en Angleterre, cette société compte ses adhérens par dizaines de mille, elle possède des clubs où elle pourrait inviter la chambre des lords ; tout ce qu’on peut dire de la tentative faite à Montmartre, c’est qu’elle est très honorable. Quant aux cercles catholiques, je déplore mon peu de foi dans la vitalité de l’institution.

Pour la plupart des promeneurs, la visite de la section économique commence et s’achève dans les petites maisons rouges des mineurs, du Nord, où l’on va admirer la propreté méticuleuse des braves ménages flamands. Ces habitations nous ramènent à la question des logemens ouvriers, la seule sur laquelle je veuille appuyer dans ce compte-rendu ; c’est à elle que je faisais allusion plus haut, en promettant au lecteur que nous ne perdrions pas notre journée ; là, et là seulement, une expérience récente vient de nous donner l’espérance d’un immense progrès social, immédiatement réalisables avec la conviction qu’il est possible. Il y a deux solutions pour le logement ouvrier ; la solution parfaite, c’est la petite, maison avec jardinet, type de Mulhouse, du Creusot, de Noisiel, louée d’abord, puis amortie et possédée en propre par une seule famille. Cet idéal ne peut être atteint jusqu’à présent que dans les petites et moyennes villes ou autour des usines rurales ; encore faut-il ajouter que la question de propriété se heurte à l’éternelle pierre d’achoppement : notre loi de succession. S’il y a plusieurs enfans, la maison à peine acquise est vendue à la mort du père ; elle valait 4,000 à 5,000 francs ; les frais de mutation s’élèvent à 200 francs ! Reste la solution imparfaite, la seule possible actuellement dans les grandes villes et surtout à Paris, en attendant qu’un réseau de communications plus pratique permette d’expérimenter l’habitation ouvrière dans la banlieue ; cette solution, qui constitue déjà un progrès inappréciable, c’est d’offrir à la classe laborieuse, au lieu des taudis immondes où elle est exploitée, anémiée, démoralisée, des appartemens d’un prix modéré, abondamment pourvus d’air, de lumière et d’eau, avec un système spécial de dégagement qui la protège contre les promiscuités malsaines.

M. Peabody a multiplié dans Londres des maisons bâties sur ce plan. Quelques hommes d’initiative ont commencé de l’imiter en France, à Rouen, à Marseille, à Lyon, à Paris enfin, où la Société philanthropique a ouvert depuis un ou deux de ces immeubles, aussitôt assiégeai par les gens du quartier, à Montrouge et, à Grenelle. Je renvoie pour plus de détails au livre de M. Picot[1], qui s’est fait

  1. > Un Devoir social, les logemens d’ouvriers, par M. G. Picot. Paris ; Calmann Lévy.