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grand retentissement, le principe demeure le même. De son propre aveu, la plaignante a toujours vécu dans une situation irrégulière ; rien ne prouve que Blaise lui ait promis le mariage, aucune lettre, aucun document ne l’atteste ; rien ne prouve non plus qu’elle l’ait réclamé ni alors ni depuis. C’est l’histoire banale d’une escapade de jeune homme riche et oisif, de jeune fille légère, éprise de luxe ; mais pour l’opinion publique comme pour le juge, le coupable, c’est lui, l’instigateur de l’enlèvement. S’il fut son premier amant, il fut probablement cause qu’elle en prit un second et qu’une fois sortie de la voie droite elle n’y put rentrer. Si les lois du Maryland, où se trouve Baltimore, ou de l’un des états traversés par eux et où ils ont passé pour mariés admettent que ce fait seul constitue une union valide, Léonora Arnold est fille légitime, elle a droit aux millions laissés par Blaise Cheeseborough et dont le frère a indûment hérité.


III

À ce désordre des lois aboutissant au désordre des mœurs, à cette simplification excessive de la législation relative au mariage, aboutissant à une multiplication des divorces telle que dans le Connecticut on compte un divorce sur dix unions, un sur sept en Californie, quel est le remède ?

Le plus efficace et le plus simple, à coup sûr, serait de substituer aux lois locales, spéciales aux divers états et réglant dans chacun d’eux les conditions du mariage et du divorce, une loi fédérale, commune à tous, pour tous identique. Ainsi fit-on, dans un autre ordre d’idées, quand, l’extension des affaires et la multiplicité des transactions provoquant d’incessans conflits entre les juridictions des divers états, on substitua aux lois multiples et contradictoires concernant la faillite une loi uniforme. Mais si simple que semble ce remède et si efficace qu’il soit, il est et demeure impraticable. La section 8 de l’article 1er de la constitution des États-Unis qui consacre les attributions du congrès ne lui confère aucun droit de légiférer en une matière dans laquelle chaque état est souverain. Il faudrait, pour lui donner ce droit, un amendement à la constitution voté par les deux tiers du congrès, ratifié par les assemblées législatives des trois quarts des états, ce qui est actuellement, et de l’avis de tous les hommes compétens, une impossibilité. Pris individuellement, chacun des états de l’union voterait en faveur de cette mesure, s’il avait l’assurance que ses prescriptions locales dussent devenir nationales et que ses lois en la matière fussent étendues à tous les autres états. En dehors de