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se réunira que dans un mois et qui aura d’abord à se reconnaître elle-même ; mais ce qu’on peut évaluer et discerner d’avance, en interrogeant le scrutin d’où elle est sortie, les conditions dans lesquelles elle a été élue, c’est le terrain nouveau où elle se trouve en quelque façon portée par le courant de l’opinion. Ce qui est parfaitement possible dès aujourd’hui, c’est de dégager le sens général de ces élections, où l’on pourrait dire que c’est la raison instinctive de la grande masse française qui a triomphé des partis ; c’est de faire la part de ce que le pays a voulu et de ce qu’il ne veut pas, des idées, des tendances, des vœux qui ont reçu une sorte de consécration publique, et des politiques vaincues des combinaisons et des tactiques condamnées, des programmes désavoués, des déclamations usées, des utopies mises au rebut par une opinion devenue sceptique.

Que reste-t-il, par exemple, de la révision, de cette révision qui a paru un instant suppléer à tous les programmes ? Elle est assurément une des premières vaincues des élections, elle est restée sur le champ de bataille, d’où elle ne se relèvera probablement de longtemps. Elle n’avait d’autre mérite, — si c’est un mérite, — que d’être un mot d’ordre commode pour les partis les plus opposés, et elle a eu justement contre elle cette équivoque sous laquelle se sont dissimulés pour le combat tous les calculs, toutes les ambitions, toutes les arrière-pensées. Elle s’est heurtée contre une sorte d’instinct public qui réclamait bien plutôt la stabilité des lois et des institutions, même du gouvernement et des ministères. La vérité est que cette révision ne répondait sérieusement à rien, qu’elle n’était qu’une diversion bruyante et artificielle d’agitation. Qu’il y ait eu depuis longtemps, qu’il y ait encore dans le pays des mécomptes, des irritations, des malaises, des froissemens accumulés, c’est trop évident, c’est ce qu’on n’a cessé de répéter à ceux qui sont satisfaits de tout, pourvu qu’ils règnent ; mais en quoi la constitution est-elle coupable de cette situation qui excite justement les plaintes du pays ? C’est l’œuvre la plus simple, la plus élémentaire du monde ; elle se borne à établir les pouvoirs publics, à définir leurs attributions et leur rôle. Elle n’est certes gênante pour personne, et si tout s’est aggravé en France, ce n’est pas la faute de la constitution : c’est précisément, nu contraire, parce que la constitution n’a pas été respectée, parce qu’elle a été livrée à des politiques qui l’ont pratiquée avec leurs passions, non avec leur raison ; c’est parce qu’on a créé cet état où le pouvoir exécutif semble n’avoir qu’un rôle de décoration, où le sénat laisse énerver tous ses droits, où la chambre dépasse tous les siens pour se faire une sorte d’omnipotence anarchique. Et à ce mal, quel remède portait la révision ? Oh ! c’est bien simple. On commençait par suspendre tous les pouvoirs. La chambre, récemment élue, n’était plus une chambre ; elle ne se réunissait que pour préparer des élections nouvelles et laisser la place à une assemblée