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dilettantisme austro-hongrois. Tout le reste pourrait être classé dans la section française, et l’on ne se douterait pas de l’origine. Les plus habiles parmi ces imitateurs éclectiques sont de purs Parisiens, habitant autour de la Trinité ou de l’avenue de Villiers. La Défenestration de Prague, par M. Brözik, marque un progrès marqué sur les œuvres précédentes du même peintre. Sa palette s’est éclaircie, sa brosse s’est allégée. Les qualités de composition qu’il possède depuis longtemps se sont complétées et fortifiées. L’étude attentive et patiente qu’il a faite de Hals et de Van der Helst, contemporains de ses personnages, lui a servi autant pour l’assouplissement de son exécution que pour l’exactitude de sa mise en scène. Parmi les conjurés, il en est plus d’un qui arrive tout droit du Musée de Harlem ou du Musée d’Amsterdam ; la plupart de ces seigneurs bohémiens sont des gardes civiques et des bourgeois hollandais. Ces transplantations sont de bonne guerre quand elles sont faites avec aisance, et l’on ne saurait nier que M. Brözik a apporté beaucoup de savoir et d’habileté dans l’arrangement de sa vaste toile. Le travail de M. de Payer, qui a traité trois épisodes de la Perte de l’expédition Franklin avec une émotion sérieuse, est plus inégal et plus incertain. La Baie de la mort, déjà récompensée au Salon, reste le meilleur morceau de la série.

Presque tous les autres Austro-Hongrois sont aussi des Parisiens de Paris, d’un dilettantisme avisé, d’une virtuosité extrême, mais chez lesquels on chercherait vainement un accent exotique : Parisien, M. Hynais, dans ses jolis portraits comme dans ses décorations faciles et élégantes du théâtre de Vienne, aussi Parisien que le Hollandais M. Kaemmerer, dont il partage l’amour pour les minois et les falbalas XVIIIe siècle. Parisien, M. Charlemont, un praticien d’une dextérité surprenante, qui imite tour à tour, presque à s’y méprendre, Pieter de Hooghe et M. Gérôme, Van der Meer et M. Meissonier. Parisiens, MM. Bukovac, Axentowicz, Russ, Melnik ; Parisiens, les paysagistes eux-mêmes, M. Ribarz, le plus libre et le plus dégagé, qui se souvient partout, en Hollande ou en France, de Decamps, de Van der Meer et de bien d’autres, et M. Jettel, et ce pauvre Van Thoren, mort pendant l’Exposition, animalier distingué, mois qui se range dans la suite de Troyon. On peut saisir plus de conviction et quelque lueur d’individualité chez MM. Lerch, Sochor, Pettenkoler, Ebner, Brück-Lajos, mais, cependant, on ne voit nulle part un groupement de tendances permettant d’espérer que les artistes austro-hongrois, par une observation plus directe de la nature et par un développement plus spontané de leur imagination particulière, apporteront prochainement des élémens nouveaux dans l’activité européenne.