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notre histoire, après les longs déchiremens de la conscience nationale, la génération de l’édit de Nantes a rendu possible ce qui eût paru invraisemblable aux générations de la Saint-Barthélémy et de la Ligue. Si la jeunesse est telle qu’on la dépeint, ils ne se feront pas beaucoup attendre, les cœurs calmes et libres qui accompliront l’œuvre de demain.


III

Tout en reconnaissant l’efficacité du principe religieux, un grand parti préconise un autre remède pour nos maux ; ce parti met sa confiance dans une formule de politique contingente : la monarchie restaurée, avec les principes de 1789. Je m’incline élevant l’espérance robuste qui concilie les deux termes de cette proposition. Nous avons entendu les historiens, les philosophes, les critiques : favorables ou contraires aux principes de 1789, ils sont tous d’accord sur le développement de ces principes dans notre histoire ; soit qu’ils applaudissent aux révolutions subséquentes, soit qu’ils les déplorent, ils concluent avec M. Goumy : « Tout cela sort de la date que nous célébrons comme le fruit sort de l’arbre. » Devant l’évidence du pouvoir destructif, il se trouve encore des architectes pour essayer de reconstruire avec des blocs de dynamite. Quand ils disent : Revenons à 1789, — on est toujours tenté de leur demander : à quel mois ? Et même à quelle année, car des esprits accommodans consentent à ne couper la chaîne logique qu’en 1790, en 1791… Le cauchemar provoque parfois une illusion très pénible : on essaie de se retenir sur une paroi à pic, on cherche une aspérité où s’accrocher, avec l’espoir de déjouer la loi fatale de la pesanteur. Certains rêves politiques, Hélas ! les plus honnêtes et les plus beaux, donnent une sensation analogue. Le plus grand obstacle à leur réalisation, c’est la conviction où nous sommes tous, après une expérience séculaire, qu’un nouvel essai peut réussir momentanément, mais qu’il aurait à bref délai le sort des précédons. Parmi ceux-là mêmes qui mettent la main à l’ouvrage, combien disent dans leur for intérieur : Essayons encore une fois de faire tenir le château de cartes. — La sagesse, la vertu, les talens, tout ce qui promet cette fois un événement plus heureux, tout cela ne prévaut pas dans nos esprits contre, la leçon du passé, contre une loi de chute qui semble tenir de la nécessité des lois physiques. Si quelqu’un venait nous dire : Restaurons la monarchie absolue, avec toutes ses conséquences, — nous serions surpris ; nous serions peut-être moins sceptiques. Tous les reviremens sont possibles, avec le grain de foi qui transporte les montagnes et les trônes. Mais où est le dernier grain de foi, de la vraie