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jetait des ponts sur le canal d’abord, puis sur la rivière ; et le faubourg, principal, celui de Laeken, était occupé avant qu’on eût décidé si on le livrerait ou non aux flammes. Maurice y vint prendre ses quartiers le 30, et, dans la journée qui suivit, tous les autres faubourgs reçurent successivement les différens corps exactement arrivés au rendez-vous.

La position n’eût pas été assurée cependant si on ne se fût emparé sur-le-champ, de quelques points fortifiés, en dehors de la ville, de peu d’importance à la vérité, mais où on ne pouvait laisser l’ennemi logé sur les derrières de l’armée assiégeante. Les forts des Trois-Fontaines, de Grünberghe, et de Vilvorde durent être ainsi enlevés à la baïonnette. La résistance, d’ailleurs, fut presque nulle, les Autrichiens se hâtant de se replier sur Malines, et Maurice, qui ne tenait pas à s’embarrasser de prisonniers qu’il n’aurait su comment garder, ayant recommandé qu’on leur facilitât ce mouvement de retraite : « Je sais, écrivait-il en particulier à l’officier chargé de s’emparer de Grünherghe, que présenter un objet sanglant au roi n’est, pas lui faire une chose agréable ; aussi je voudrais éviter de prendre la garnison de Grünherghe prisonnière en lui laissant cette nuit le chemin libre de se retirer sur Vilvorde. Nous pouvons bien faciliter cette évasion ; vous sentez bien que je ne puis faire de capitulation avec, eux et que je suis obligé de les réduire en poussière. Aussi je prends sur moi le moyen que vous pourrez trouver, de leur faire sentir la clémence du roi sans blesser sa justice. »

Ces opérations préliminaires ayant pris quelques jours, ce n’est que le 8 février que la tranchée est enfin ouverte, et, dès le 11, le courage des assiégés semble défaillir : Kaunitz fait proposer sous main de remettre la place, pourvu que la garnison entière puisse sortir librement avec les honneurs de la guerre. Maurice, qui sent son avantage, n’a nulle envie de se contenter à si bon marché ; mais pour ne pas, pousser à bout des gens qui faiblissent et les entretenir, au contraire, dans les sentimens d’une crainte salutaire, il ne refuse pas de soumettre l’offre à la décision de Versailles, bien entendu, sans interrompre un seul instant le cours de ses opérations et sans répondre de ce qui peut arriver jusqu’au retour du courrier. C’est ce qu’il explique lui-même à Kaunitz dans une nouvelle lettre que le comte d’Argenson qualifie avec raison de chef-d’œuvre, tant les termes en étaient bien choisis pour donner à réfléchir à son correspondant.

« Au quartier-général de Laeken.


11 février 1746.

« J’ai reçu la lettre que votre Excellence m’a fait l’honneur de m’écrire hier, et, assurément, la proposition que votre Excellence