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traité antérieur à la guerre, et dont l’exécution, en donnant lieu à de nombreuses difficultés, avait amené la rupture entre les cours de Londres et de Madrid.

En échange de ces concessions qui constituaient, en réalité, une retraite sur toute la ligne, quelle était l’offre de l’envoyé hollandais ? L’espérance (nullement la certitude) de la restitution par l’Angleterre du cap Breton et des points occupés en Amérique, et la promesse d’intervenir pour un établissement quelconque, dont ni l’étendue ni la nature n’étaient spécifiées, en faveur de l’infant don Philippe en Italie.

En lisant ce document, qu’on a peine à croire exact, on n’est pas surpris de trouver à la dernière ligne cette note de la main de d’Argenson : — « J’en ai rendu compte au conseil, et il m’a été ordonné de dire que ce n’étaient pas là des offres. » — Ce qui étonne, au contraire, c’est qu’un autre ordre n’ait pas suivi immédiatement celui-là, et que Wassenaer n’ait pas reçu l’injonction de quitter Versailles sans délai et de repasser la frontière flamande en avertissant sa cour que Maurice n’allait pas tarder à l’y suivre et l’y rejoindre[1].

D’où vient cependant qu’un parti si naturellement indiqué ne fut pas pris et que, quelques semaines après, on retrouve encore le négociateur hollandais à la même place, les pourparlers repris, et quelques-unes même des conditions si justement repoussées acceptées pour y servir de base ? Tant de versatilité et de faiblesse ne peut être seulement imputé à l’incapacité ordinaire des conseillers de Louis XV. Il y faut voir la suite de la confusion où furent jetés souverains et ministres par la nouvelle d’un désastre imprévu arrivé à la même heure. Une autre négociation engagée sur un théâtre différent, beaucoup plus heureusement conçue par d’Argenson, et qui honore sa mémoire, échouait misérablement, au moment où elle était sur le point d’aboutir, par une véritable fatalité. C’est du côté de l’Italie que l’orage éclatait et qu’il faut tourner nos regards.


DUc DE BROGLIE.

  1. J’ai été arrêté ici par une difficulté que je cherche vainement à résoudre. Les dépêches de l’agent hollandais, publiées à La Haye dans le recueil que j’ai indiqué, ne parlent en aucune manière de la pièce que j’ai trouvée aux archives françaises et qui reçut du conseil du roi un mauvais accueil ai bien motivé. Wassenaer affirme, au contraire, que, d’Argenson l’ayant invité à s’expliquer sur les propositions qu’il apportait, il refusa de le faire, attendu que la république était dans une situation à avoir tout à demander et rien à offrir ; c’était à elle à écouter ce que la France désirait pour en transmettre l’expression à ses alliés. Probablement Wassenaer, craignant de s’être trop avancé et se voyant rebuté, ne voulut pas rendre compte à son gouvernement d’une démarche, qui, ayant mal tourné, pouvait amener une rupture qui lui serait reprochée.