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derniers sont bien obligés de prévoir que, dès l’entrée en campagne, ils devront se contenter des détachemens nécessaires à leur correspondance, à leur liaison, — détachemens qui leur seront fournis par les réservistes et les chevaux de réquisition. Ils sont bien obligés de convenir que l’organisation existante répond davantage aux commodités, sinon aux besoins du temps de paix, qu’aux nécessités de la guerre ; elle peut être territoriale, administrative ou simplement agréable, elle ne sera jamais tactique. En somme, soit indépendante, soit rattachée aux armées, la cavalerie tout entière n’a qu’une formule de son emploi : l’action en masses. Tout entière elle est appelée à explorer et à combattre. Dans sa mission, dans ses services, il n’y a pas dualité, il y a succession. Sa constitution du temps de paix ne ressemble donc en rien à celle que lui imposerait la guerre.

À ce vice fondamental, vient s’ajouter un autre inconvénient. La répartition sur le territoire, ou mieux, la diffusion des régimens de corps écarte la possibilité d’une concentration prompte et sûre. Le principal enjeu de la cavalerie se joue en un moment critique et véritablement aigu. Pour s’y présenter dans des conditions avantageuses, ses forces devraient être échelonnées sur les réseaux ferrés de telle sorte qu’au premier signal du télégraphe elles puissent accourir à la frontière. Ainsi, elles pourraient porter un coup retentissant et décisif. Les difficultés de casernement ou d’alimentation devraient seules faire manquer à cette règle ; l’organisation tactique n’y devrait point faillir.

Aussi bien, mieux que tous les raisonnemens, un fait établit l’incohérence et la fragilité du système. Le travail de mobilisation prévoit l’endivisionnement des brigades de corps. Leur répartition en arrondissemens d’inspection n’en est qu’une préparation déguisée. L’anomalie d’une organisation du pied de paix qui, aux débuts d’une guerre, serait complètement remaniée, est donc à ce point flagrante qu’on a dû en prévenir les effets. Alors quels puissans mobiles l’imposent ? .. Serait-ce l’unique désir de rendre plus étroits, plus intimes, les rapports entre les deux armes ? A cela, la communauté des garnisons, la fréquence du contact, les manœuvres combinées suffisent, sans qu’il soit nécessaire de recourir à un expédient dont la gravité n’exclut pas, d’ailleurs, l’inutilité. Cette distinction dans la forme ne change rien au fond de la situation, et la liaison morale entre les deux armes est assez forte pour qu’elles dédaignent un procédé empirique, absolument contraire aux principes essentiels de leur tactique.

Ainsi, a priori, une organisation rationnelle repousse un pareil système. L’éducation, au moins, le réclame-t-elle ? Mais cette éducation doit être une, puisque le rôle est un. L’idéal d’instruction