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évident qu’on ne pouvait enserrer dans des règles fixes des questions d’application ne relevant que des circonstances variables de la campagne. Cependant, de ces tentatives accumulées, la lumière peu à peu se dégagea. La nécessité de combattre pour voir finit par s’imposer. Un enseignement substantiel et solide ressortit : c’est qu’indépendamment de toute formule théorique la cavalerie opère toujours en deux élémens : un ensemble de groupes isolés pour éclairer ou couvrir, une masse compacte et concentrée pour combattre. Toute la cavalerie devait être préparée à ce double rôle.

Dans le service en campagne, l’unité d’éducation résultait clairement de l’unité d’emploi. S’orienter, marcher, voir, rendre compte, sont des actes abstraits et simples, indépendans des circonstances extérieures auxquelles ils se rattachent. Aussi les groupes chargés de les accomplir fonctionnent-ils d’après des règles et des procédés identiques. Leur nombre ou leur éloignement seuls varient. Qu’ils opèrent pour le compte de la cavalerie ou de l’infanterie, qu’ils s’appellent patrouille, reconnaissance ou avant-garde, qu’ils précèdent un escadron ou un corps d’armée, leur service, demeuré le même, exige une éducation uniforme. Quand les deux élémens qui le composent, quand le chef et le cavalier sont instruits, le système entier, alerte et vigilant, est prêt à fonctionner dans tous les sens et sous toutes les formes. En arrière, la masse compacte interviendra pour dicter la solution : pour combattre. Cela, c’est la fonction cardinale de l’arme. On peut en discuter la forme, on ne peut en méconnaître l’unité. En tout cas, son exacte notion permettra seule de se former une opinion raisonnée sur les questions à l’ordre du jour.

De tous les combats que la cavalerie est appelée à affronter, le plus difficile est sans contredit celui qu’elle livre contre sa propre rivale. Quand elle se précipite sur les autres armes, le coup d’œil et la résolution du chef, la bravoure et l’impulsion des cavaliers, sont des facteurs décisifs et parfois suffisans. Contre un adversaire immobile et qu’il s’agit de frapper de terreur, l’audace, la surprise, l’impétuosité sont plus redoutables que l’habileté de la manœuvre. La force principale de l’attaque résulte de son à-propos et de sa vitesse. D’ailleurs, le chef peut à son gré livrer le combat ou s’y soustraire. Et s’il s’agit d’un sacrifice commandé, la difficulté morale seule subsiste. Droit devant elle, la cavalerie s’élance et frappe. Comme résolution, c’est héroïque ; comme tactique, c’est simple.

Tout autre est la lutte de deux cavaleries. Entre ces deux adversaires de même essence, se ruant avec une égale rapidité et doués d’impulsions identiques, l’espace, le temps, sont supprimés. La vitesse de l’un se double de celle de l’autre ; l’action est brève, fugitive, insaisissable. Les phases du combat : l’approche, la