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Napoléon, la main d’un jurisconsulte consommé serait plus nécessaire encore que la science technique de l’ingénieur ; et cependant, ni le projet n’a été communiqué au conseil d’État, ni la cour de cassation n’a été consultée, comme nous l’avons vu faire dans des circonstances moins importantes. Faut-il donc s’étonner si les nombreux intérêts financiers, industriels, commerciaux, dont le sort est lié à celui de la loi, ne se montrent pas absolument rassurés ? La chambre nouvelle tiendra certainement à leur redonner confiance. L’éclatant désaveu de la politique d’agitation et d’aventures invite à l’étude approfondie des lois d’affaires : c’est donc on jamais le moment de dégager les fondemens essentiels de toute législation des mines. On verra ainsi en quoi notre loi organique a pu s’en écarter, et jusqu’à quel point les modifications proposées l’y ramèneraient. Les difficultés d’application, les conflits d’intérêts qu’elle a fait naître, les solutions apportées par la jurisprudence, — tout cela, les traités spéciaux nous l’ont appris, et, parmi les meilleurs, l’excellent Code des mines et des mineurs de M. Féraud-Giraud[1], l’ouvrage pratique par excellence, ou le livre récent et très complet de M. A qui lion, résumé de son enseignement à l’école supérieure des Mines[2]. Mais l’heure n’est plus aux commentaires. Ramenés par les discussions présentes jusqu’au point de départ de la loi, il nous faut refaire, en sens inverse, le chemin parcouru depuis trois quarts de siècle, nous replacer en face des divers systèmes, discuter les préférences du législateur de 1810, reconnaître, en un mot, le terrain et éclairer la route. C’est encore le meilleur moyen, peut-être, de prévenir de nouveaux mécomptes.


II

Et d’abord, comment l’idée est-elle venue, quelle est la raison d’être d’une législation spéciale en cette matière ? « Il faut à l’industrie minière un régime exceptionnel, disent l’ingénieur et l’économiste : le rôle souverain auquel l’ont appelée les découvertes de ce siècle ne lui permettrait pas de se plier à la loi commune. » L’exception, pourtant, a devancé de plusieurs centaines d’années le règne de fit vapeur et de la houille. L’ancienne monarchie enlevait déjà les mines au propriétaire du sol ; l’Assemblée constituante les a maintenues en dehors du droit normal, et Napoléon en a fait une classe de biens à part. De cette apparente conformité de vues, l’historien, à son tour, est tenté de conclure qu’une tradition qui résiste

  1. Pedone-Lauriel. Paris, 1887.
  2. Traité de la législation des mines. Paris, 1886 ; Baudry.