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V

Par quel concours de circonstances les choses tournèrent-elles tout autrement ? Il faudrait chercher le mot de l’énigme dans la discussion du conseil d’État, par malheur l’une des plus confuses dont les annales législatives aient conservé la trace. Elle se traîna pendant quatre années, interrompue à tout moment, reprise à bâtons rompus, au retour d’Iéna, de Friedland, de Wagram. Sur la proposition de Boulay de la Meurthe, on avait décidé d’écarter de la loi toute définition théorique, pour s’en tenir à des articles d’application. Il semblait qu’en évitant de s’expliquer, on arriverait plus aisément à s’entendre, et l’on s’entendit, en effet… à la manière des casuistes de Pascal, chacun gardant son opinion et s’efforçant de la faire passer subrepticement dans le texte. Cambacérès, Berlier, les rédacteurs du code civil tenaient pour le droit d’accession ; les savans comme Fourcroy, les administrateurs comme Regnault de Saint-Jean d’Angély, entendaient replacer les mines sous la main du gouvernement. La direction intermittente de l’empereur n’eut jamais complètement raison de ces dissidences ; il imposa sa manière de voir, sans pénétrer toutefois de sa pensée les collaborateurs chargés de la traduire. Il faut dire que, jusqu’à la dernière heure ou peu s’en faut, son esprit, d’ordinaire si prompt et si ferme, avait flotté dans une indécision singulière : tout convaincu qu’il était que l’industrie des mines ne prospérerait qu’entre les mains des concessionnaires de son choix, il n’entendait pas qu’on touchât à la théorie classique de la propriété, restaurée par le code civil. La solution du problème lui apparut, à la fin, dans le rachat de la mine, suivi d’une sorte d’association entre le propriétaire du sol et le concessionnaire, a Personne, disait-il, ne soutiendra que le propriétaire de la superficie ne soit pas aussi propriétaire du fonds. Dans la rigueur des principes, le propriétaire du sol devrait être libre de laisser ou de ne pas laisser exploiter ; mais puisque l’intérêt général oblige à déroger à cette règle, que du moins le propriétaire ne devienne pas étranger aux produits que sa chose donne, car autrement, il n’y aurait plus de propriété… Mais au-delà, la propriété des mines doit rentrer entièrement dans le droit commun. Il faut qu’on puisse les vendre, les donner, les hypothéquer, d’après les mêmes règles qu’on engage ou qu’on aliène une ferme, une maison, en un mot, un immeuble quelconque. » Racheter le tréfonds minéral, convertir les droits antérieurs en une redevance sur les produits, constituer ainsi la mine en propriété distincte, l’attribuer à titre perpétuel à un propriétaire nouveau