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vaut mieux prévenir que réprimer, comme, en toutes choses, le pire des maux est encore l’incertitude, j’imagine que les intéressés y trouvèrent une garantie. Dans cet acte, par lequel l’administration disposait, en somme, du bien d’autrui, elle affecta de plus en plus les allures d’un propriétaire qui, par convention, se dessaisit de sa chose, qui dicte ses conditions à son acquéreur ou donataire, avec le redoutable sous-entendu de la révocation pour le cas où il viendrait à y faillir. La déchéance était au bout, — cette sanction suprême de tous les contrats de l’État. L’empereur avait eu beau rayer de sa main le titre qui la consacrait, — en 1838, elle s’établissait dans la loi. Quand des jurisconsultes imbus du respect des droits acquis protestèrent, quand ils représentèrent la mesure comme en opposition flagrante avec l’esprit du droit minier, on leur ferma la bouche avec ces mots draconiens de l’article 49 : « Pour y être pourvu ainsi qu’il appartiendra. » De ce jour, la propriété du concessionnaire retomba dans la condition subalterne d’où Napoléon avait voulu la sortir.


VII

Elle trouvait, dans sa séparation de la surface, une nouvelle cause de précarité et de trouble ; et c’était là encore une conséquence du système bâtard qui avait prétendu concilier le droit commun et le privilège. Quand on eut décidé que la mine serait une véritable propriété, mais une propriété conférée par l’État, il fallut savoir ce qu’on mettrait dans le lot du concessionnaire. On pensa tout d’abord à lui faire racheter le sol, mais cette idée fut abandonnée presque aussitôt ; la charge aurait été trop lourde, et l’atteinte à la propriété foncière trop flagrante. On se contenta donc de déclarer que le dessus et le dessous formeraient deux propriétés séparées, en laissant à la pratique le soin de fixer leurs limites respectives. C’était lui demander l’impossible. Sans la couche de terre qui la contient, la mine n’est qu’un être de raison, un pur concept philosophique, « un fief en l’air. » La concession emporte donc, au profit de celui qui l’obtient, attribution d’une partie du sol ; mais laquelle ? Ni la loi, ni les cahiers des charges ne sauraient nous répondre, et la raison en est simple : c’est le gisement qui forme le noyau de la nouvelle propriété conférée par l’État ; cependant l’allure et la configuration d’un gisement métallique ne peuvent être exactement connues avant le moment où on l’exploite ; ce qu’il occupe du tréfonds, l’autorité qui le concède l’ignore. Tréfonds, superficie, ces mots n’ont d’ailleurs par eux-mêmes aucune signification précise. Où le tréfonds commence, où la superficie s’arrête, on n’en sait rien ; tout dépendra de l’allure et de la