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loin d’instruire l’assemblée et de développer sa science politique, comme le prétendait le rapporteur, le système des comités enterrait chacun de ses membres dans une spécialité et rétrécissait son horizon.

Ferdinand de Lasteyrie indiquait un autre inconvénient du système des comités spéciaux, c’est leur tendance naturelle à écarter avec un profond dédain tout ce qui n’émane pas des spécialistes et à fermer l’oreille aux meilleurs conseils sous le prétexte qu’ils viennent du vulgaire et qu’ils n’émanent pas d’une bouche compétente et autorisée. Il abordait ensuite, mais sans oser entrer dans les développemens qu’il comportait, le sujet des conflits qui ne manqueraient pas de s’élever entre le pouvoir exécutif menacé dans ses attributions et les comités dont les personnalités éminentes tendraient naturellement à viser les ministres en place et à provoquer l’ouverture de leur succession.

Ferdinand de Lasteyrie releva également avec beaucoup de sens et de clarté les exagérations du tableau que le rapporteur avait tracé de la vie des bureaux dans les anciennes chambres. Il montra que le système des bureaux réserve presque toujours des nominations aux minorités, à moins que celles-ci ne soient insignifiantes. « Dans le système des grands comités au contraire, dit-il, les minorités seront absolument exclues des commissions pour les projets de loi importans. Dans chaque comité il y aura des membres qui commenceront par être les meneurs de ces comités et qui par contre-coup deviendront les meneurs de cette assemblée. » L’orateur termina par une critique du registre d’inscription qui n’était pas un mode de recrutement éclairé et où chaque député viendrait, sous sa seule signature, certifier sa propre compétence.

Stourm répliqua en quelques mots par une nouvelle critique des bureaux qui « sous la monarchie ne nommaient jamais les membres de l’opposition et sacrifiaient les droits des minorités. « Il revint sur les avantages que le système des comités offrirait « aux hommes timides et modestes qui ne se révèlent que lorsqu’on les met au travail. » Cet argument était de ceux qui devaient porter le plus sur l’assemblée. Il était pour plaire aux hommes nouveaux qui redoutaient la prépondérance des anciens parlementaires et n’étaient pas assez expérimentés pour comprendre qu’on les livrait au contraire pieds et poings liés à cet élément.

Crémieux, ministre de la justice, essaya de revenir sur les conditions d’un bon travail législatif que Lasteyrie avait déjà exposées. Il fit remarquer que les deux tiers des membres des comités n’assisteraient pas à leurs séances, que les minorités y seraient promptement omnipotentes et y mèneraient les majorités. Crémieux insista en terminant sur le danger des propositions adoptées trop