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placés dans les comités de leur choix et que, d’autre part, l’attention de l’assemblée était sollicitée par des événemens autrement graves, il n’y eut point de débat.

Cette précipitation dans le recrutement des comités fut une des principales causes du discrédit qui ne devait pas tarder à frapper la nouvelle institution.

La grande majorité des députés qui s’étaient vus enfermer dans des comités pour lesquels ils n’avaient aucune aptitude et aucun goût, et où ils ne pouvaient acquérir aucune influence, se désintéressèrent de leurs travaux. Certains comités furent, dès les premiers jours, dépourvus d’autorité ou tenus en suspicion comme animés d’un esprit de coterie, et peu à peu l’idée s’introduisit de revenir dans la pratique au système des commissions spéciales.

Les comités de législation, de finances et du travail furent parmi les plus laborieux, les plus chargés de besogne, et se virent contraints parfois d’augmenter leurs effectifs en faisant appel aux députés de bonne volonté qui venaient assister à leurs travaux. Le règlement fut ouvertement violé sans que personne songeât à protester. Dans la séance du 5 août, Victor Lefranc signala des comités qui comptaient plus de soixante-dix membres, tandis que d’autres n’en comptaient que trente-six et quarante.

Force était bien d’agir ainsi, car l’assemblée constituante était au moins aussi féconde que nos chambres actuelles en propositions de toute sorte, et les comités étaient encombrés de projets dont la plupart, d’ailleurs, ne méritaient aucune faveur. Certains comités prirent donc l’habitude de se diviser en sous-commissions entre lesquelles étaient répartis les projets du gouvernement et les propositions émanées de l’initiative parlementaire. Le comité des affaires étrangères se divisait au mois d’août en vingt sous-commissions. Le comité du commerce eut, à un moment, dix-huit sous-commissions. Le comité de législation suivit la même règle. Ces sous-commissions variaient comme nombre suivant l’importance et l’urgence des projets, elles comptaient généralement de trois à cinq membres. Elles étudiaient l’affaire, puis la rapportaient verbalement devant le comité général qui la discutait, et souvent la renvoyait pour nouvelle étude à la sous-commission. Ces renvois étaient d’autant plus fréquens que les sous-commissions, composées de trois ou quatre membres, n’avaient qu’une compétence et une activité douteuses.

Des plaintes furent portées plusieurs fois à la tribune sur le défaut de zèle de certains comités. Luneau et Victor Lefranc exposèrent que des comités ne comptaient fréquemment que huit ou dix membres à leurs séances sur soixante, et montrèrent tous les in-