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illusions de la Montagne, qui se voyait déjà renouvelant l’ordre politique et social. Comme nous disait un des derniers survivans de la constituante, « monarchistes et républicains, nous étions tous convaincus que nous allions faire de grandes choses et qu’il nous fallait emprunter à la révolution ses plus puissans moyens d’action. L’entraînement était général. »

La déception fut prompte. Les comités, recrutés au hasard des caprices individuels ou des combinaisons de doux ou trois coteries, émanés d’une assemblée qui ne se connaissait pas et où luttaient des courans contraires, manquèrent de la cohésion et de la pondération indispensables. Les plus ambitieux voulurent empiéter sur les attributions gouvernementales, et même sur les droits de la constituante. Tel lut notamment le cas du comité des finances. Ils succombèrent rapidement dans cette lutte. Les autres, composés de médiocrités, se virent sans crédit. Tous se trouvèrent, au bout de peu de temps, en conflit les uns avec les autres, se disputant les projets, se contrecarrant dans leurs travaux, soit jalousie de parti, soit divergence de doctrines.

Le maintien de l’institution des bureaux et des commissions spéciales (qui étaient indispensables pour les projets d’ordre purement politique) contribua également, dans une certaine mesure, à la déchéance morale des comités. Les nombreux représentans qui n’avaient pu obtenir de places dans les comités où leur compétence les attirait étaient bien aises de sortir de ceux où on les avait placés et où ils ne pouvaient ni rendre des services ni grandir en influence. Ils se rejetaient sur les commissions spéciales et profitaient de toutes les occasions pour en faire multiplier le nombre. Les membres influens des comités, voyant à leur tour les projets les plus importans leur échapper, se portaient candidats dans les bureaux pour les commissions. Peu à peu les comités furent ainsi désertés par ceux qui ne pouvaient y être utiles, faute de trouver l’emploi de leur spécialité, et par les spécialistes éminens qui se voyaient dépouillés de l’examen des questions auxquelles ils s’intéressaient.

La permanence des comités était pour ceux-ci une autre cause de faiblesse redoutable. Elle leur assurait les bénéfices de l’esprit de tradition et de la compétence, mais elle en faisait en quelque sorte des corps isolés, ayant perdu les liens qui les unissaient à l’assemblée. Ne se renouvelant pas, ne pouvant appeler à eux des forces nouvelles, immobilisés dans leur composition et dans leurs tendances premières, ils restaient inertes et comme figés au milieu des événemens qui changeaient tout autour d’eux. Ce ne fut pas un des moindres vices de leur organisation.

La constituante avait pris, après les événemens de juin, un tout