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quinze kilomètres qui séparaient le fleuve du village. Il avait fallu renoncer à faire halte, parce que les hommes et les bœufs porteurs se couchaient et ne voulaient plus se relever. On arriva à dix heures devant le fort, élevé de quinze mètres au-dessus de la plaine, défendu par un marigot, entouré d’une forte palissade et occupe par quatre ou cinq mille Toucouleurs avec une mauvaise pièce de canon. La vue de l’ennemi rendit, comme d’habitude, tout leur courage à ces braves enfans. On ouvrit le feu à cinq cents mètres, avec les obusiers de montagne ; mais les projectiles trouaient la palissade sans l’abattre et le temps marchait. La petite troupe se trouvait au milieu d’une plaine de sable, brûlée par les rayons d’un soleil vertical, et impossible à tenir pour des Européens. « Mes enfans, leur dit le commandant Protet, il faut absolument emporter le village. C’est le seul endroit où il y ait de l’ombre et de l’eau. Si nous n’y entrons pas, dans une heure nous serons tous morts de chaleur et de soif. » La colonne s’élança au pas de course contre la palissade, les pieux furent arrachés à la main ou renversés à coups de crosse de fusil, et nos soldats enlevèrent le fort de Djalmatt ; mais ils n’y entrèrent pas tous, il y en avait 175 par terre : 25 morts, 150 blessés.

Voilà ce que me rappelaient les constructions sénégalaises élevées derrière le palais des colonies, tandis que je me promenais sous les ormes qui les abritent.

En continuant cette revue, dans la direction du sud, on rencontre d’abord un village malgache construit en bambous et couvert de feuilles de bananier, avec un plancher fait d’écorces étalées ; un groupe d’habitations provenant de nos possessions de l’Afrique équatoriale, des chalets du Gabon, et la reproduction en petit de la factorerie française qui s’y est établie. On trouve plus loin une imitation du village de Loango, au Congo, un hameau canaque de la Nouvelle-Calédonie, et tout au bout le Kampong javanais, avec sa population nombreuse, son restaurant servi par des Malais vêtus de blanc, et ses danseuses dont tout le monde a vanté les charmes. Au début de l’Exposition, ce village était le rendez-vous de la société élégante ; mais on a fait courir le bruit que la variole s’y était déclarée, et l’affluence a cessé. Il n’y avait cependant eu que quelques cas sans importance.

L’exposition des villages indigènes offre un grand intérêt au point de vue des mœurs de ces populations et des conditions dans lesquelles elles vivent ; l’anthropologie en fait son profit ; mais l’hygiène n’a que peu de chose à y apprendre. Pour trouver des enseignemens au sujet des habitations, il lui faut traverser l’esplanade