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d’apaisement, de conciliation, de modération, d’un gouvernement ouvert et généreux ; mais en même temps elle laisse entrevoir la menace, l’esprit exclusif de parti. Elle sourit aux modérés sans désespérer les radicaux. Elle trace un programme d’affaires pour se dispenser de préciser une politique. Bref, elle ne donne aucune direction, elle traite les choses délicates par allusion ou par prétention ; elle n’est pas faite, en définitive, pour assurer l’autorité et la force du ministère qui, sans avoir d’ennemis, peut disparaître à l’improviste, au plus léger choc, parce qu’il n’est que l’image vivante d’une situation indécise.

Est-ce donc que dans cette chambre telle qu’elle est, mêlée, tiraillée et un peu ahurie, il n’y ait pas des élémens de raison, de modération, qu’on pourrait, si on le voulait, rassembler et coordonner pour en faire une force de gouvernement ? C’est précisément la question. Eh ! sans doute, cette chambre en est encore à s’essayer, à se reconnaître ; elle est divisée, incohérente, accessible aux préjugés et surtout irrésolue. Au fond, cependant, elle a visiblement d’honnêtes instincts, une certaine bonne volonté, une certaine sincérité d’intentions ; il y a des points sur lesquels elle semble assez décidée. Lorsqu’un nouveau député du radicalisme le plus impétueux a cru pouvoir lui proposer du premier coup la révision, elle n’a point hésité, elle a nettement résisté. Lorsque les derniers élus du socialisme ont prétendu lui faire accepter, sous prétexte de réformes ouvrières, le minimum des salaires, la fixation des heures de travail ou des subventions aux grévistes du nord, elle s’est détournée, elle a résolument désavoué toutes ces propositions. Si elle se contredit quelquefois, c’est qu’elle n’est pas dirigée, et qu’à défaut de la direction du gouvernement qui attend, il ne s’est pas trouvé encore parmi les modérés des hommes pour régler la marche en ralliant toutes les bonnes volontés. Même dans cette question des invalidations qui reste toujours ouverte, qui ne cesse pas d’être un grand piège, la chambre a visiblement commencé par se montrer sensée et tolérante. Malheureusement, on ne sait quel vent a soufflé, elle s’est arrêtée. Il y a le parti des flottans, des pointus, des modérés, qui n’osent pas être des modérés jusqu’au bout. Ceux-là disent un jour oui, et non le lendemain ; ils rachètent une validation par une invalidation, pour ne pas trop se brouiller avec les radicaux, et, le plus souvent, c’est la raison des interventions cléricales qui sert de prétexte, qui a le plus grand rôle dans cette stratégie.

Il faudrait pourtant bien en finir une bonne fois avec ces banalités, avec ces faiblesses ou ces hypocrisies de parti, et savoir quelle condition on prétend faire au clergé dans les élections, dans la vie publique. Si les membres du clergé commettent des délits, s’ils transforment leur église en club, rien n’est plus simple, ils ne sont pas à l’abri de la loi, on peut les poursuivre. S’ils ne font qu’exprimer une opinion