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sera désormais à même d’apprécier les différences de composition des tissus qui entrent dans l’organisme et les altérations qu’ils peuvent subir.

En même temps, les dissections opérées dans les amphithéâtres des universités font avancer l’anatomie et amènent une connaissance plus complète de la conformation du corps humain, du jeu de ses organes et des relations qui existent entre eux. C’est à Leyde que ces dissections sont d’abord pratiquées, et bien que le droit accordé à cet égard par Philippe II (1555) soit limité aux cadavres des criminels, il rencontre au début des adversaires acharnés, même parmi les hommes les plus éclairés et les plus savans de cette époque. Grotius parle à ce propos de profanation, et s’élevant avec force contre « ces cruautés inutiles des vivans contre les morts, » il remarque que les anciens Grecs, pourtant si habiles médecins, n’avaient pas connu ces « chambres de torture des morts. » Mais bientôt ces vaines réclamations se taisent devant l’intérêt supérieur de la science. D’autre part, la thérapeutique s’enrichit des progrès de la botanique. Le professeur Pieter Paauw, qui a renouvelé l’enseignement de la médecine, dirige trois ou quatre fois par un des excursions botaniques vers les prés, les collines et les marais des environs de Leyde, et de Bondt se livre à une étude plus attentive des simples dont les propriétés sont peu à peu mieux définies. Son fils pousse jusqu’aux possessions hollandaises de l’Inde pour accroître ces précieuses ressources, et les plantes qu’il en rapporte sont recueillies et classées avec soin dans ce jardin de l’université de Leyde dont Descartes vante l’ordre et la bonne tenue. Enfin le docteur Tulp, — on sait que c’est le professeur de la Leçon d’anatomie de Rembrandt, — après avoir été à Amsterdam, comme Paauw à Leyde, un des plus ardens promoteurs des dissections anatomiques, provoque une réforme de la pharmacie dans cette ville qui, en 1637, ne compte pas moins de cinquante-huit médecins, sans y comprendre les chirurgiens, et soixante-six apothicaires.

C’est de ce temps aussi que datent dans l’industrie de nombreux perfectionnemens qui contribueront puissamment à la richesse de la Hollande. La fabrication de ses toiles, celle de ses draps et de son papier sont à bon droit renommées dans toute l’Europe, et quelques joailliers d’Amsterdam, on améliorant dans cette ville l’outillage de la taille des diamans, lui ont assuré le monopole d’un commerce qu’elle possède encore de nos jours.


III

L’étude des lettres ne restera pas non plus stationnaire. Attentifs à tout ce qui regarde l’éducation, les Hollandais attirent chez eux