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Paradis perdu ; enfin sa Marie Stuart (1641) offre avec celle de Schiller de nombreuses analogies. Pour avoir dans cette dernière pièce laissé trop paraître ses sentimens en faveur de l’église romaine et peint son héroïne comme une victime innocente et martyre de sa foi, il se voit de nouveau mis en cause sur les instances du gouvernement anglais et condamné à une amende. Cependant, quand il s’agit d’inaugurer le nouveau théâtre d’Amsterdam, sa popularité le désigne pour cet honneur. Jusque-là les représentations avaient eu lieu dans un méchant bâtiment en bois, mal aménagé, tout à fait insuffisant. Mais en 1634 la chambre de rhétorique l’Eglantier ayant fusionné avec l’académie néerlandaise, fondée en 1617 par Coster, — tandis que le poète Krul créait sous le nom de Chambre de musique une espèce d’opéra, — le conseiller Van Campen faisait décider l’érection d’un édifice plus spacieux et plus convenable sur l’emplacement occupé par l’ancien. A la fin de 1637, la construction du grand théâtre (Schouwburg) étant terminée, le Gysbrecht van Amstel de Vondeï fut choisi pour la première représentation (3 janvier 1638). Bien que tiré d’une manière un peu forcée de l’Enéide, le sujet était vraiment national, et comme dans le Gérard van Velsen de Hooft, l’auteur y annonçait sous forme de prophétie la grandeur future d’Amsterdam. Mais plus que Hooft, Vondel possédait le sens lyrique, la vie, la couleur, un patriotisme chaleureux, des convictions religieuses vives et profondes. Son libre esprit s’exhalait avec une verve inépuisable dans des satires pleines de mouvement et dont les traits caustiques frappaient fort et juste. Il allait dans sa vieillesse expier cruellement son humeur indépendante. Jamais il n’avait eu de Mécènes et vers la fin de son existence sa gêne devenait toujours plus pressante. Vivant à grand’peine d’une rente viagère très modique, sombre et accablé d’infirmités, affligé par la perte d’une épouse chérie, affecté plus profondément encore par la conduite d’un fils indigne, le plus grand poète de la Hollande s’éteignait le 5 février 1679, à l’âge de quatre-vingt-onze ans.

Quoique fort inférieur à Vondel, un de ses contemporains était appelé à une destinée bien différente de la sienne. Avec le réalisme minutieux de ses observations portant sur la vie familière, Jacob Cats avait à la fois les qualités et les défauts qui sont faits pour plaire aux foules et, vers 1630, il était à l’apogée de sa réputation. Dans chaque famille, à côté de la Bible, on pouvait voir les œuvres du « père Cats. » Son poème du Mariage (Formulier van den houvelycken Slaet), publié en 1619, était suivi, en 1632, du Miroir des temps anciens et modernes (Spiegel van der ouden en nieuwen tyd), dans lequel il cherche à démontrer que la réunion des proverbes populaires constitue pour l’homme un vrai