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l’École hollandaise. A côté des artistes posés, irréprochables, qui, avec une exécution accomplie, répondent à la moyenne du goût qui dominait alors, ces indépendans apportent à l’École un appoint d’imprévu et d’originalité qui complète un ensemble où tous les genres, comme tous les talens sont représentés, où la suprême poésie et le génie lui-même jettent un si radieux éclat. Ainsi qu’on l’a remarqué d’ailleurs, cette riche floraison s’épanouit un peu partout en Hollande, presque simultanément, et il n’est pas d’époque, ni de pays où, dans un intervalle aussi restreint de temps et d’espace, on en ait vu paraître d’aussi abondante, ni d’aussi variée. A cet égard encore, Amsterdam, ainsi qu’elle l’avait fait pour son commerce, devait recueillir le bénéfice d’efforts antérieurs tentés à Utrecht, à Harlem, à Leyde, à Alkmar, à Delft ou à La Haye. Sa gilde de Saint-Luc n’avait jamais eu l’importance, ni d’activité, ni la cohésion que les associations artistiques de plusieurs de ces villes avaient montrées. Le mode même de recrutement de son personnel en fait foi. Jusqu’au 21 octobre 1654, sa composition était restée assez bigarrée, et à côté des peintres et des sculpteurs, les vitriers, les tapissiers, les brodeurs et d’autres corps de métiers y étaient admis. Mais, avec le temps, l’Athènes du nord, comme l’appelaient ses lettrés, avait successivement attiré à elle la plupart des artistes éminens qui s’étaient formés dans d’autres centres. Il n’en est guère, en effet, qui n’y aient fait un séjour plus ou moins prolongé et qui n’y aient cherché la consécration de leur renommée. C’est là que la population était la plus nombreuse et la plus riche, c’est là aussi que dans les édifices publics ou parmi les amateurs qui y abondaient, on pouvait espérer un résultat plus fructueux de son travail. Aujourd’hui encore, malgré tant d’œuvres intéressantes qui lui ont été enlevées pour être dispersées dans toute l’Europe, à Amsterdam mieux qu’ailleurs, on comprend que la peinture a été par excellence l’art national de la Hollande, celui qui a le mieux traduit ses aspirations et sa vie. Elle reste une des manifestations les plus glorieuses d’un peuple qui, à tant de titres, s’est fait une grande place dans l’histoire. La justice que nous rendons à ses peintres, nous la devons aussi à ses graveurs, car à côté de ceux qui se sont appliqués avec autant de conscience que de succès à reproduire les œuvres de leurs confrères, on compte en nombre au moins égal des artistes originaux qui ont exprimé avec leur pointe leurs propres créations, à commencer par Lucas de Leyde. Il n’est pas besoin de rappeler ici que Rembrandt, aussi inventif, aussi fécond, aussi puissant dans ses eaux-fortes que dans ses tableaux, a renouvelé les conditions de la gravure et prodigieusement agrandi son domaine.

En comparaison de ces deux arts, les autres pâlissent ou