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oléique, insolubles tous les trois, ne se volatilisent pas, ou du moins ne s’évaporent que sous l’influence d’une chaleur assez forte. De plus, les chimistes ont observé que, pour neutraliser un poids donné de potasse ou de soude, il fallait employer des doses presque égales entre elles des trois derniers acides ; mais que, pour arriver au même résultat, il suffisait d’une quantité trois fois moindre d’acide butyrique, dont la capacité de saturation est beaucoup plus accentuée[1].

Nous nous dispenserons d’étudier tout au long les divers modes d’expérience en usage dans les divers pays, car on n’opère pas II Amsterdam comme à Berlin, ni en Suisse comme dans le Royaume-Uni. Il est à noter que les inventeurs de ces nombreux procédés sont presque tous Allemands. Du moins, les noms de Reichert, Meissl, Köttstorfer, Hehner, Angell, et bien d’autres encore que nous pourrions citer, parlent assez d’eux-mêmes et proclament bien haut que les savans tudesques ont de rudes combats à soutenir contre les fraudeurs et ont besoin d’en appeler à toutes les ressources de la science moderne pour faire triompher la cause de l’honnêteté commerciale.

Leur tâche n’en est pas moins fort délicate. La moindre négligence dans le courant d’une opération, la moindre erreur analytique peut souvent conduire à des résultats de pure fantaisie. Ainsi, un gramme de bon beurre, privé d’eau, exige, pour se saponifier, 227 milligrammes de potasse à l’alcool ; prenons semblable poids de graisse, et nous produirons le même effet avec 196 milligrammes du même réactif. La différence est donc assez minime.

De toutes ces diverses méthodes, la plus sensible paraît être celle de MM. Reichert et Meissl. Un poids constant de beurre, préalablement saponifié par la potasse, est ensuite traité par l’acide sulfurique. Ce puissant réactif décompose facilement les sels formés, stéarates, oléates, butyrates, etc., s’empare de la base et met les acides en liberté. Chauffons légèrement le mélange : l’acide butyrique distillera, mêlé de beaucoup d’eau et d’un peu d’acide oléique. On arrête l’opération dès que l’on a recueilli dans le réfrigérant un volume fixé d’avance ; de cette façon, peu importe que l’on commette une erreur, du moment qu’elle est toujours identique pour toutes les opérations de même ordre. Il ne reste plus qu’à filtrer le « distillât, » afin d’éliminer l’acide oléique, et à verser goutte à goutte dans le liquide clair une solution titrée de soude, jusqu’à

  1. Voici les chiffres exacts : 256 milligrammes d’acide palmitique ou 283 milligrammes, soit d’acide stéarique, soit d’acide oléique, saturent 56 milligrammes de potasse caustique, c’est-à-dire produisent juste le même effet que 88 milligrammes seulement d’acide butyrique.