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propriété privée que parce que personne ne soupçonne qu’elle existe, elle y retombe nécessairement sitôt que son existence est révélée ; ou si l’on veut qu’elle reçoive l’existence de cette révélation même, elle revient alors, de droit, à celui qui la découvre, car c’est lui qui l’aura créée. Entre le moment où elle est encore ignorée et celui de sa découverte, il n’y a pas de place pour une mainmise nationale. Le système de la « mine à personne » fait donc fausse route ; il ruine les prétentions de l’État sans le vouloir, et, sans le savoir, il introduit sur la scène un nouveau prétendant, l’inventeur qui, l’État écarté, va rester seul en face du propriétaire du sol.

Il est certain que ce candidat nouveau n’est pas un rival à mépriser ; sa cause semblerait même, au premier aspect, la meilleure. « Sans moi vous n’auriez rien, peut-il dire au propriétaire. Avant mes recherches, il n’y avait pas de mine sous votre fonds ; c’est par moi qu’il y en a une aujourd’hui. Cette propriété nouvelle, j’en suis l’auteur, à tout le moins le premier occupant, car c’est moi qui la possède, autant qu’elle peut être présentement possédée ; la loi qui vous l’attribuerait vous enrichirait donc de mes dépouilles. » La thèse n’est que spécieuse : au point de vue du service rendu et du droit à récompense, — que personne d’ailleurs ne conteste, — nous la croyons irréfutable ; mais au point de vue de l’attribution de la mine, elle nous paraît singulièrement hasardée. L’inventeur se targue d’avoir tout fait. Cependant, va riposter le propriétaire, qu’apportez-vous de plus que moi ? Des indications précieuses, un renseignement indispensable à l’exploitation future ; mais l’occupation du sol n’est pas moins nécessaire à l’exploitation, que la connaissance du gîte, et le sol est mon bien : sans vous, la mine serait encore comme si elle n’était pas ; mais sans moi, personne n’y pourrait aborder. Allez-vous prétendre que votre découverte l’a fait entrer d’emblée dans votre patrimoine, et que, comme propriétaire du fonds supérieur, je suis tenu de vous livrer passage ? Les substances minérales que renferme ma propriété seraient donc votre œuvre, le produit de votre travail, de votre intelligence ? Elles existaient, pourtant, avant votre venue ; bien plus, elles formaient le corps même de ma chose. Grâce à Vous, désormais, elles vont prendre le nom de mine, puisqu’il est constaté qu’elles se présentent en couches ou en filons ; mais est-ce bien là le changement d’état qui efface le passé, la complète métamorphose d’où sort une chose nouvelle, dégagée de tout lien, et attendant son premier maître ? Et, quant à votre prise de possession intentionnelle, — entre nous, renouvelée de l’Huître et les Plaideurs, — où est cette pleine et parfaite connaissance qui pourrait seule valoir mainmise ? Dites-nous seulement où commence et où finit votre mine. Savez-vous exactement où la prendre ?