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pas trouvé d’écho chez les auteurs du projet, que le temps des économies n’est pas encore venu, et que nous pouvons, sans arrière-pensée, livrer bataille à la concurrence. Mais le développement de l’extraction n’est ici qu’un des facteurs. Les houilles françaises auront beau encombrer le marché, elles n’enlèveront la préférence qu’à prix égal ou inférieur ; si elles reviennent plus cher au producteur et qu’il faille les vendre à perte, la production s’arrêtera d’elle-même en dépit des plus belles lois du monde, et nous aurons acheté l’avilissement momentané du combustible au prix de la ruine de notre industrie houillère. Avant donc de décréter l’exploitation en masse, il sera bon de s’assurer qu’elle sera suffisamment rémunératrice ; — à moins qu’on n’en revienne tout simplement à reconnaître, avec M. Aguillon, que l’intérêt personnel des exploitons est, à tout prendre, la meilleure des garanties, car « les propriétaires ne renonceraient pas longtemps aux profits certains qu’ils pourraient tirer de l’exploitation de leurs mines. »

Les raisons de notre infériorité vis-à-vis de l’Angleterre et de l’Allemagne sont parfaitement connues[1] : salaires plus élevés, faible épaisseur des couches, difficultés plus grandes d’aérage et d’épuisement des eaux, allure particulièrement capricieuse des gites, situation peu favorable des bassins houillers, solidité moindre du toit des mines françaises. À ces causes permanentes et qui s’aggraveront à mesure qu’il faudra descendre plus profondément, sont venues s’ajouter, depuis lors, les pertes résultant des grèves et des chômages. Le prix moyen de vente de la tonne de houille est, en France, de 10 fr. 67 ; en Westphalie, il est descendu à 5 fr. 10. Avec un pareil écart, les droits de douane arrivent à peine à rétablir l’équilibre dans les départemens frontières où les charbons allemands pénètrent sans trop de frais de transport. Pour peu que le nouveau système d’impôts et de redevances empire la situation financière de nos concessions, les charbons français seront hors d’état de lutter ; et, dès lors, à quoi bon la découverte de nouvelles mines, l’impulsion donnée à l’exploitation ?

La redevance progressive, proportionnelle à la surface, n’est pas seulement onéreuse ; elle constituerait une inégalité flagrante au préjudice des mines les plus pauvres ; la mine à filon, la moins riche, se prolonge sur une étendue beaucoup plus considérable que la mine en couches profondes ; elle serait donc plus taxée. « Aujourd’hui, dit M. Gomel, les propriétaires de mines acquittent une redevance fixe de 0 fr. 10 par hectare, et une redevance

  1. voir la Revue du Ier et du 15 octobre 1876.