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des députés, des conseillers municipaux, et, chose qui ne s’était pas encore vue, chez nous, en ce siècle, plus de quinze cents étudians de tout pays, de toute langue, de tout costume, parisiens, provinciaux, anglais, belges, suédois, suisses, « italiens, espagnols, grecs, roumains, hongrois, tchèques, russes, danois, américains, bannières déployées et rangées. Il était acclamé, à son entrée, par cette jeunesse d’élite autant que chef d’état le fut jamais, et d’un élan si unanime, qu’on eût dit que toutes les langues s’étaient fondues, pour un moment, dans un même salut à la France. Dès l’abord on sentait, dans cette grande assemblée, une émotion peu habituelle, joyeuse, sereine et haute, et cette émotion allait grandissant à mesure que les orateurs : le vice-recteur, le président du conseil municipal, puis le ministre de d’instruction publique, exaltaient à l’envi la science, la patrie, l’humanité.

C’est la nouvelle Sorbonne que l’on inaugurait. Mais ce n’était pas l’ordinaire et banale prise de possession officielle d’un nouveau bâtiment. Ce qui remuait tous les cœurs, C’était, dans ces murs neufs, une chose également neuve, un nouvel état de l’enseignement supérieur, un nouvel état de la jeunesse française. Cette chose, nous en savions l’existence, nous tous qui depuis vingt ans en avons été les ouvriers attentifs et passionnés ; mais elle n’avait pas encore éclaté aux yeux du public. Ce jour-là elle apparaissait, avec le monument dégagé de ses échafaudages, formée, vivante et agissante, et c’était une fierté pour les uns, pour quelques autres une surprise, pour tous une joie et une grande espérance.

Il nous a semblé que c’était le moment ou jamais de dire ce qui a été fait en ces dernières années pour la transformation de nos facultés, ce qu’elles sont devenues, ce qui leur manque encore. Aussi bien la tâche est-elle facilitée par deux récentes publications du ministère de l’instruction publique, la Statistique de l’enseignement supérieur de 1878 à 1888, et le quatrième volume du Recueil des lois et règlemens sur l’enseignement supérieur, par M. Arthur de Beauchamp, deux sources abondantes de renseignemens auxquelles nous aurons souvent recours.


I

Tout d’abord il faut dire en quel état se trouvait notre haut enseignement lorsqu’apparut clairement, comme une obligation nationale, la nécessité de le réformer ; et, pour cela, il faut auparavant indiquer en quelques traits les vicissitudes par lesquelles il avait passé depuis la disparition des Universités de l’ancien régime.

Avant la Révolution, on ne distinguait pas entre ce que nous