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Toutes ces plaintes sont fondées ; les budgets d’alors ne permettent pas d’en douter. Presque partout, les frais de cours et les crédits des collections sont restés ce qu’ils étaient en 1847 ; en quelques endroits même, ils ont été diminués. Voici quelques chiffres relevés dans les budgets des facultés, en 1869 1870. Facultés de droit : Paris, bibliothèque, 1,000 francs ; la faculté est abonnée à vingt recueils périodiques, dont pas un seul étranger. — Caen, abonnemens : 600 francs, six périodiques, tous français. — Facultés des sciences : Paris, frais de cours et de laboratoires, 8,980 francs. ; collections, 1,500 ; abonnemens, 160. — Marseille, cours et laboratoires, 1,800 francs ; collections, 760 ; bibliothèque, néant. — Lyon, cours et laboratoires, 1,800 francs ; collections, 950 ; abonnemens et livres, néant. — Montpellier, cours et laboratoires, 1,800 francs ; collections, 200 ; livres, 500. Que faire avec de si maigres ressources, souvent sans préparateurs, sans garçons de laboratoires ? C’est vraiment merveille qu’outillées et dotées de la sorte, nos facultés n’aient pas encore été plus languissantes.

Languissantes, elles le sont, et elles ne peuvent pas ne pas l’être. Saul à Paris, où de tout temps les talens ont été nombreux et la vie intellectuelle intense, l’excitant manque, et rien dans les institutions, rien dans les habitudes n’est de nature à le susciter. Dans une même ville, nuls rapports entre les facultés de différens ordres ; nulle communauté d’intérêts, nul échange de vues ; nulle collaboration, parfois même nul voisinage. On se rencontre une fois l’an, au début de l’année, à la messe du Saint-Esprit ; on se range suivant des préséances jalousement gardées, les robes rouges devant, les robes jaunes derrière, et en voilà pour l’année entière. Dans chaque faculté, à part les relations personnelles ou mondaines, quand elles existent, les professeurs ne sont pas moins isolés entre eux. Ils ne se rencontrent à la faculté que les jours d’examen. Hors de là, chacun reste chez soi, travaille solitairement, vient faire son cours à son jour, à son heure, à sa guise, pour son public. Aucune œuvre à poursuivre en commun ; partant, aucun besoin de se coordonner, aucune excitation réciproque, aucune émulation.

Des quatre facultés, seules la médecine et le droit ont des étudians ; les lettres et les sciences n’en ont pas. Elles les remplacent, quand elles peuvent, par le grand public. Souvent les professeurs de sciences le dédaignent ou ne peuvent l’attirer ; ils se renferment alors chez eux ou dans leurs laboratoires, vaquant solitairement à des travaux personnels, qu’ils n’interrompent que pour venir enseigner, à la faculté, quelques maîtres d’études, la plupart du temps mal préparés. Mais pour le professeur de lettres, le public, c’est le tout de l’enseignement ; c’est le but et c’est la