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pour délivrer les fibres de leur gomme, permettent d’espérer une réussite prochaine. La science moderne a eu raison de bien autres difficultés, et la solution de ce problème doterait l’Algérie d’une culture nouvelle qui a merveilleusement réussi là où elle a été tentée et que l’on ne délaisse que faute d’écoulement.

L’alfa, cette herbe africaine qui ne prospère que dans les terrains légers et comparativement ingrats, formés de silices et recouverts de pierrailles calcaires, dans les régions les plus sèches des hauts plateaux, figure en belle place dans le palais de l’Algérie. Sur les 225,000 tonnes qu’exportent annuellement les pays producteurs : Oran en première ligne, puis l’Espagne, la Tunisie et le Maroc, la fabrication du papier consomme, à elle seule, 210,000 ; la corderie, la vannerie, la sparterie, se partagent le surplus. Par un fâcheux, mais trop fréquent effet des lois économiques faussées, la France utilise très peu l’alfa, par suite du prix élevé des transports ; l’Angleterre, en revanche, absorbe la presque totalité de la production : 200,000 tonnes sur les 225,000 tonnes récoltées en 1685. L’alfa, qui revient aux fabricans français à 14 francs les 100 kilogrammes, ne revient qu’à 10 francs aux Anglais et aux Belges. Cet énorme écart dans les prix rend la concurrence très difficile. Il prive nos fabricans d’une source sérieuse de profits et ralentit la production algérienne, que l’on pourrait facilement porter à 400,000 tonnes par année. Il résulte, en effet, des documens officiels que, dans le seul département d’Alger, en territoire militaire, plus de 600,000 hectares, pouvant fournir plus de 120,000 tonnes d’alfa, sont encore inexploités.

Il résulte aussi des mêmes documens que, si l’alfa coûte en France plus cher qu’en Angleterre, les produits chimiques pour le convertir en pâte reviennent à 56 francs les 100 kilogrammes en France, à 35 en Angleterre. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner si, dans ces conditions doublement défavorables, peu d’usines en France fabriquent de la pâte d’alfa, et si cette industrie restreinte alimente surtout une fabrication de luxe et non, comme en Angleterre, une fabrication d’articles courans. Et cependant l’alfa donne un papier souple, soyeux, résistant, transparent et d’une grande pureté. A poids égal, il a une épaisseur supérieure à celle des autres papiers. Il reçoit bien l’impression ; il convient admirablement aux éditions de luxe et aux belles gravures. La plupart des beaux journaux illustrés anglais sont imprimés sur papier d’alfa ; on en fait également un excellent papier à lettre.

Auprès de ces résultats d’une culture toute moderne, de ces produits que l’antiquité n’a pas connus, les organisateurs de l’Exposition algérienne ont tenu à faire sa place au passé : dans le vestibule, une reproduction du sarcophage de Tipara ; dans les