Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 96.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

population et de ses besoins, des grands courans commerciaux qui charrient sur leur parcours les productions du monde entier.

Dans le panorama de la compagnie transatlantique, dans ce pavillon géographique où le globe terrestre démesurément grossi attire chaque jour une foule curieuse, pas un visiteur qui n’emporte avec lui des idées plus justes, qui ne redresse, après un examen même superficiel, une erreur qu’il n’avoue pas et qu’il ne commettra plus. Du rapprochement qu’il fait entre les pays dont il a visité l’exposition, et de la position et de l’étendue que ce pays occupe sur la sphère gigantesque, se dégage une notion exacte, satisfaisante pour l’esprit, nette et claire pour la mémoire.

Sous ce rapport, le pavillon de l’Algérie a multiplié les renseignemens, et rien n’est plus curieux que de voir avec quelle attention le public les interroge, leur demandant l’explication de quelque point douteux, la situation exacte de quelque localité dont le nom prononcé n’éveillait qu’une idée vague et confuse. Encore quelques efforts, encore et toujours des cartes murales dans nos gares de chemins de fer, dans nos salles d’attente, là où la foule oisive et inoccupée cherche sur quoi fixer ses yeux et son attention, et cette foule curieuse, intelligente, à la mémoire tenace, saura ce qu’elle ignore et ce que nos détracteurs lui reprochent d’ignorer. La Société de géographie de France qui a tant fait dans ce domaine, qui compte tant d’hommes savans et pratiques, se doit à elle-même de redoubler d’efforts pour mener à bien cette œuvre patriotique.

Puis aussi, et encore, des guides de l’émigrant, courts, clairs et précis, indiquant les distances et les voies de communication, le coût de la vie matérielle, les conditions faites au colon, les prix courans des salaires ; guides distribués largement, comme on les distribue dans les pavillons étrangers, dans celui du Brésil et de la République Argentine, de l’Uruguay et du Paraguay. Ils sèment pour récolter ; nous aurions dû faire comme eux. L’Algérie eût à coup sûr recruté bien des colons dans ces millions de visiteurs de toute classe qui, six mois durant, ont admiré l’Exposition de ses produits.

Non moins intéressans que les cartes murales, ces plans en relief d’oasis créées sur les confins du désert par la baguette magique de l’ingénieur, faisant jaillir la nappe d’eau qui fertilise ces sables. Autour d’eux les visiteurs s’arrêtent émerveillés. Sur le sol brûlé par le soleil, l’eau s’épanche, et ce sol calciné se couvre d’herbes et de moissons, de plantations d’arbres. La verdure naissante égaie et repose les yeux, attestant la victoire de l’homme sur une terre nue et désolée. Victoires pacifiques, conquêtes silencieuses qui étendent son domaine sans coûter une larme ni une goutte de sang.